Je ne veux choquer personne mais il est deux saints qui se rappellent à moi régulièrement : un homme et une femme, Glinglin et Nitouche.
Glinglin, je l’aime bien. Nitouche, c’est autre chose.
Je ne les ai pas trouvés au calendrier, vous vous en doutez. On invoque parfois l’un, et on évite de mentionner l’autre.
Saint Glinglin est fêté un jour fictif : le 30 ou le 31 février, voire le 32 décembre ; c’est une fête mobile. Sainte Nitouche ? Je ne sais pas.
Invoquer Saint Glinglin, c’est renvoyer à plus tard voire à jamais l’accomplissement d’un acte, en général désagréable ou indésirable. L’origine de l’expression viendrait de la déformation de seing et gling : le signe, plus le son des cloches, ce qui voulait donc dire, à l’origine, quand les cloches sonneront. Or, après Pâques, elles sonnent…
« Avoir lieu à la Saint Glinglin » est synonyme de « remettre aux calendes grecques (les Grecs n’ayant jamais eu de calendes, c’est une date inconnue), « à la semaine des quatre jeudis », « quand les poules auront des dents » ou « à Pâques ou à la Trinité » (c’est d’une chanson qu’est née une expression : Malbrough, s’en va en guerre, « il reviendra à Pâques ou à la Trinité », c’est-à-dire un jour peut-être, ou bien jamais).
Pourtant, Glinglin est plus ou moins officialisé en France, avec une date pour le fêter. Les étudiants en droit le savent. On leur raconte rapidement, durant leur cursus, l’anecdote suivante : un débiteur très astucieux avait promis de rembourser son créancier le jour de la saint Glinglin. Le Créancier, perdant patience en ne voyant pas arriver le paiement, porta l’affaire en justice. Le tribunal rendit, avec beaucoup d’humour, le jugement suivant :
« Attendu que la Saint Glinglin ne figure pas dans le calendrier, mais qu’il existe une fête collective de tous les saints qui n’ont pu y trouver place, le 1° novembre, jour de Toussaint ;
Attendu, en conséquence, qu’il y a lieu de fixer au 1° novembre la Saint Glinglin ;
Par ces motifs, contradictoirement et en dernier ressort, condamne le débiteur à payer la somme réclamée avant le 1° novembre. »
Méfiez-vous donc si vous avez un problème de trésorerie, en droit français la saint Glinglin est notée pour la Toussaint.
Méfiance aussi avec Sainte Nitouche !
La Sainte Nitouche (au pluriel, des saintes-nitouches), je ne l’aime pas. Je crois que vous aviez compris. Et dire que certains leur donnent le bon Dieu sans confession.
Une sainte est une personne qui a eu une vie exemplaire, qui a observé l’évangile durant toute sa vie, moralement, physiquement et religieusement , à tel point qu’elle a été canonisée. Cette femme a donc respecté des préceptes de vertu, de prières, Sainte Nitouche est censée être comme les autres saintes, étrangère aux plaisirs de la chair, elle se consacrerait uniquement aux nourritures morales et spirituelles. Mais oui, bien sûr… Surtout de nos jours.
C’est pour ça que je ne les aime pas les saintes-nitouches. Ce sont des hypocrites qui prennent des airs innocents de pucelles effarouchées. Dire que certains pensent encore épouser des oies blanches. Invraisemblable que les hommes soient si naïfs quand ils sont amoureux ! Ca ne leur passe même pas avec l’âge, encore moins quand ils sont fortunés. Et les saintes-nitouches continuent à jouer le même rôle toute leur vie : mielleuses, gentilles, fragiles. Et ça marche !
Cette expression se comprend facilement : “faire la sainte Nitouche” c’est se donner un air de “ne pas y toucher”, d’“affecter l’innocence”. Elle apparaît dès 1534 chez Rabelais dans “Gargantua”:
“Les uns cryoient: Sainte Barbe !
Ls autres: Sainct Feorges !
Les autres: saincte Nytouche!”
Sainte Nitouche, la sainte patronne de tous ceux (oui, il y a des hommes qui sont des saintes nitouches) qui jouent les prudes, Sainte Nitouche n’existe pas.
Mais les saintes-nitouches ne manquent pas.