Je crois que je n’ai pas reçu de ma famille l’attention bienveillante et constante qui permet à un enfant de sentir qu’il a de l’importance en tant que personne. Ma grand-mère m’aimait, j’en suis sûre, mais elle avait un foutu caractère (je sais de qui je tiens le mien) et elle me faisait un peu peur. Mon père était mort, et ma mère soufflait sur moi le froid et le chaud en alternance : « je t’aime », «tu me pourris la vie».
L’équilibre est instable quand on est privé de la moitié de ses racines, encore plus quand la moitié qui reste est mal en point. Au lieu de me sentir aimée, j’ai vécu l’inverse: je me suis sentie constamment de trop, j’ai eu l’impression permanente de n’être pas aimable, d’être ignorée, voire même détestée (détestée, c’était bien, c’était avoir de l’importance).
Pour prendre ma place, enfin pour m’en faire une, la seule solution : la rébellion.
J’ai fait mon insurrection à moi. Je me suis révoltée contre les conventions, règles, habitudes familiales. Je voulais dire et je voulais entendre la vraie vérité, pure, dure, choquante, dérangeante mais j’étais seule. Pas facile de survivre en milieu hostile ! Soit on fait des compromis, soit on continue dans l’insoumission. J’ai résisté. Tous les jours n’ont pas été roses. De temps en temps, je trouvais mon attitude stupide mais je devais continuer, je savais que c’était une question de survie. Je voulais vivre à ma manière pas à la leur. L’insoumise, la rétive, la récalcitrante était folle, dérangée, toquée, anormale. A-normale. Hors de leurs normes, c’est sûr. De toutes façons, tout ce que je faisais n’était jamais bien, les autres faisaient mieux, étaient plus obéissants, plus beaux, plus minces, plus élégants, plus intelligents… liste non exhaustive. De là, naît le complexe d’infériorité chez certains. Pour moi, c’est le complexe de culpabilité qui dominait. Pourquoi est-ce que j’étais là à déranger, à troubler l’ordre établi, à empêcher ma mère de vivre sa vie ? Pourquoi la famille de mon père ne se manifestait-elle pas ? J’étais abandonnée.
Plus tard, comme je n’ai pas pris le chemin de la facilité, j’ai continué à me sentir dérangeante, impertinente et encombrante ; c’est peut-être ce qui m’a fait grossir et m’a empêché de maigrir. Je verrai bientôt si c’est le moral qui gouverne tout. Une chose est certaine : j’en avais plein le dos d’un certain nombre de problèmes ; je les ai réglés et mon dos ne me fait plus souffrir. Et pourtant, il n’est pas en bon état au vu des radios, mais je n’ai plus mal ! Faut-il crier au miracle ?
Maintenant l’espoir m’envahit : mon gras va-t-il me fuir ?