A mes chers lecteurs, je rappelle que j’étais professeur d’économie avant et que j’ai souvent tempêté contre les changements de programmes, inutiles, injustifiés, incohérents et tout particulièrement inadaptés. Mais qui se soucie de la base, des soldats de deuxième classe ? Continuer la lecture
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Parler, est-ce un art ?
Parler est un art.
On peut parler de la pluie et du beau temps, parler pour meubler les vides, pour oublier qu’on a peur, pour soutenir quelqu’un qu’on aime mais on peut aussi parler pour essayer de se faire entendre et là, ça se complique d’où l’intérêt de la rhétorique.
Comment la parole devient une force.
La rhétorique (ce nom provient du nom latin rhetorica, mot lui-même issu du grec rhêtorikê, qui peut se traduire par « technique, art oratoire », au sens propre « l’art de bien parler ») c’est donc l’art ou la technique de persuader au moyen du langage.
Avons-nous aujourd’hui de grands rhéteurs ? Depuis le Général De Gaulle, il me semble que les doués dans ce domaine ne sont pas légion. Pourquoi n’avons-nous plus de Bossuet (spécialiste des sermons et oraisons funèbres), de Cicéron (qui, bien qu’avocat aux plaidoiries acérées et à qui nous devons « Cui bono ? » autrement dit : « À qui profite le crime ? », n’en était pas moins philosophe), de Victor Hugo ou de Zola (J’accuse) ? La faute à l’enseignement surtout Je vais tenter de m’expliquer dans quelques lignes. Pour l’instant, j’en reste à la “théorie” de la rhétorique.
Elle est née il y a bien longtemps dans la Grèce antique. Elle peut être considérée comme une théorie de la parole efficace liée à la pratique oratoire et vise à persuader un auditoire varié sur des sujets divers. Elle a laissé ensuite sa place à un art de bien dire plutôt qu’à un art de persuader ; c’est à cette nouvelle forme de rhétorique qu’on doit un nombre incalculable de figures de style servant à ornementer le discours. J’aime le nom de certaines de ces figures de style, à défaut d’utiliser régulièrement l’anaphore, l’oxymore, la métaphore (filée de préférence), l’anacoluthe, l’antiphrase, la prosopopée (mais sur ce coup-là, je peux être douée),ou le chiasme (pour celui-ci, c’est le nom qui me perturbe).
Allez voir ce site si vous voulez avoir un inventaire quasi complet :
http://www.alyon.org/litterature/regles/figures_de_rhetorique.html.
Si la rhétorique n’a plus d’adeptes c’est à cause de l’enseignement. J’ai un peu de mal à écrire cela, moi qui ai toujours pensé “hors de l’école point de salut !” Je le concède c’est peut-être une vision de vieille mais ma grand-mère m’a toujours dit que l’école était l’ascenseur social et je l’ai crû, j’en ai profité.
En qualité d’enseignante, il y a quelques années déjà, j’ai constaté que mes élèves étaient de moins en moins aptes à recevoir l’enseignement que j’étais censée leur dispenser. Problème de langage à adapter. Vocabulaire à limiter pour être compris. Je me souviens avoir posé problème à un élève après avoir écrit, dans un devoir, que je leur avais donné, “de concert”. Pour moi, il allait de soi que de concert signifiait ensemble, en harmonie, voire en même temps. L’interprétation, c’est le cas de le dire, en a fait un concert : billets gratuits à l’appui. J’en souris encore mais sur le coup j’étais restée perplexe. A ces élèves de BTS Communication publicité, je devais apprendre à maîtriser les figures de style (voir plus haut) : leurs noms et leur utilisation…
Nous sommes dans un monde qui nous donne (la liberté de) la parole mais nous l’utilisons mal. Chacun braille, rouspète. Tous, nous faisons en général au plus court, au plus simple, au plus rapide, au moins coûteux en efforts, il suffit pour s’en rendre compte de lire les sms, les forums et même certains billets de blog écrits en phonétique, façon langage courant et parlé. Je suis d’accord pour que tous nous puissions nous exprimer mais la correction envers le lecteur implique la nécessaire et indispensable courtoisie du soin apporté à l’écriture. (A l’oral, on ne voit pas les incapacités, tant mieux pour certains.)
Au moment de la Révolution Française, les orateurs étaient omniprésents, ils se faisaient voix de la Nation mais certains révolutionnaires ont eu peur que l’abus de mots enlève de l’authenticité, de la pureté au discours au profit de la vanité, de l’hypocrisie et du goût du pouvoir d’un individu. Ils n’avaient pas tort, on a vu le résultat en France très rapidement. Plus tard, le monopole de la parole a causé des tracas (Cuba et les discours fleuves de Fidel Castro). Malgré tout en France, nous avons longtemps gardé le goût du verbe au point que de nombreux orateurs de talent sont devenus députés : Lamartine, Hugo, Tocqueville, Lacordaire… C’étaient des notables et je me demande s’il y a eu réellement des rhéteurs de talent issus du peuple. Si une idée vous vient, je veux bien la prendre. Merci pour le commentaire.
Je constate que d’ouvrir l’école et l’enseignement au plus grand nombre est une idée démocratique qui me plait et que j’approuve. Je regrette par contre la démagogie qui gouverne l’Education Nationale. Les ministres successifs et les volées d’inspecteurs n’ont pas eu de contacts réels avec les élèves depuis des lustres et ne connaissent pas la difficulté d’enseigner : programmes souvent démesurés à faire passer dans un nombre d’heures de plus en plus restreint devant un auditoire de plus en plus “large”, dans des conditions de plus en plus mauvaises. Ce ne sont ni une peinture neuve, ni un radiateur, ni une ventilateur ou un climatiseur qui vont améliorer la situation. Le problème est énorme et… ailleurs.
En ce qui concerne l’enseignement des lettres, du français simplement, c’est déjà dramatique, il me semble. Pourquoi ne fait-on plus de dictées ? Pourquoi l’enseignement littéraire a-t-il été autant dévalorisé ? Au profit du matérialisme, des sciences ? Pourquoi les rédactions, les dissertations et les devoirs de philo sont-ils devenus si rares au collège et au lycée ? Je ne reviendrai pas sur la rhétorique qui n’est plus enseignée depuis des années, privilège de Jésuites, refusé par la République, mais pourquoi la philosophie n’apparait-elle qu’en classe de Terminale alors que depuis la classe de Seconde les élèves étudient les auteurs classiques ? Y a-t-il une grande barrière que j’aurais ignorée entre lettres et philosophie ? Moi, je pense que Rabelais, Rousseau, Voltaire et beaucoup d’autres écrivains sont aussi des philosophes. Pourquoi faire une distinction aussi grande qui perturbe nos enfants ?