En baver des ronds de chapeau

Je vous ai dit la dernière fois que Nicolas doit “en baver des ronds de chapeau” en ce moment.

Baver des ronds de chapeau, c’est être dans une situation (très) pénible, et souffrir, supporter des mauvais traitements.

Les mauvais traitements… Basta, le harcèlement n’est que moral. Pour vivre heureux, vivons cachés. Il a voulu “entrer dans la lumière”. C’est dur d’être chahuté, mais il y a pire : être dans une situation véritablement pénible. Je ne parle pas de celle de futur hypothétique père, Nicolas connaît déjà les levers nocturnes, les changes, les biberons, etc. Cecilia a dû le dresser et il doit y avoir quelques nounous dévouées si besoin était. Non, je parle de la situation difficile de Nicolas et de la situation désespérante de la France (notez que je n’ai pas écrit désespérée).

Les feux de la rampe !

Président, ce n’est pas reposant. Il y a des avantages en nature… mais des emmerdements à la pelle. De loin, ça paraît facile mais une fois les mains dans le cambouis… « C’est au pied du mur qu’on voit le maçon », disait souvent ma sage grand-mère.

Et si on les prenait à l’essai les présidents (1 à 3 mois d’essai, comme n’importe quel employé ou ouvrier), ou mieux encore, si on faisait comme à Koh-Lanta, celui qui se débrouille le mieux gagne le poste. Comme plus personne n’a envie de voter, c’est peut-être une proposition à faire à nos députés.

Mais pourquoi dit-on « en baver » ou « en baver des ronds de chapeau » ?

N’avez-vous jamais bavé vous devant une vitrine de vêtements, chaussures, sacs ou mieux encore une pâtisserie ? On peut saliver à l’idée de manger quelque chose de bon (moi, je suis un bec sucré : chocolat, glace, etc), et on sent bien son organisme, prêt à ingurgiter ce qui tente, qui salive abondamment. On bave d’envie. Quelquefois, on bave d’envie, bouche ouverte, air béat, benêt, idiot… sans saliver dans un premier temps, devant quelque chose qu’on ne peut se permettre d’avoir (et, voler, c’est pas beau), alors on regarde, et on  a les yeux en soucoupes, la mâchoire pendante, et on bave d’envie, façon demeuré.

On en bave pour avoir un truc qui plait, non ? Bien sûr, ça dépend de nos moyens. De plus en plus nombreux sont ceux qui en chient qui en  bavent juste pour boucler le mois. Le verbe « chier » est vulgaire et c’est pour éviter cette version triviale qu’on en reste au verbe « baver ». On tire la langue aussi en effectuant, en ahanant, une tâche pénible, on en bave.

Mais pourquoi donc des ronds de chapeau ?
Des ronds de citron, oui. Des ronds pour des rondelles ; c’est acide, pas très agréable, on ne les avale pas, mais on bave avec l’acidité. Baver des ronds de chapeau ? Est-ce un mystère absolu ?

Non. Le “rond de chapeau”, d’abord appelé “rond de plomb” était un morceau de plomb circulaire, posé sur une tête en bois, pour donner et maintenir leur forme aux chapeaux. À l’époque où les chapeaux et leurs ronds étaient des objets communs, ces objets ont dû inspirer ceux qui ont inventé le complément à l’expression. Des ronds de chapeau en plomb, lourds à déplacer, on en bavait à les transporter.

Et moi, j’en bave à vous expliquer.

Quand gagner sa vie devient difficile, on en bave, avant de trouver le travail et encore une fois qu’on a le poste. Heureux si personne, parmi vos collègues par exemple, ne bave sur vous. J’avais omis ce côté médisance du verbe baver (baver sur quelqu’un). Des cancans qui peuvent tourner au harcèlement moral. Les commérages, ou cancans, qu’on appelle à la Réunion les “ladi-lafé”. Pour la jet-set, ça donne naissance aux journaux-people et dans les entreprises, les services de RH (Ressources Humaines) appellent ça “Radio Moquette”.

Quelle époque ! Drôle de communication, rarement efficace, de plus en plus superficielle et vide de sens. rien ne va plus, Mesdames, Messieurs…

Ronds de chapeau ou pas, on en bave. On en bave tout court, pour ne pas dire autre chose.

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