Orthographe

Aujourd’hui, tout le monde constate une baisse du niveau en orthographe. Mais comment estimer la baisse ? D’ailleurs y a-t-il nécessité de la mesurer, de la quantifier ?  On ne parle pas de pouvoir d’achat, d’indices de la consommation. Si les dictées doivent être notées, il n’est pas nécessaire de mettre des chiffres sur le taux de chute de niveau d’écriture et de niveau d’orthographe, ça baisse et ça se voit.

Quand je raconte que, de mon temps, le professeur de français enlevait quatre points par faute, sur la note de vingt, deux points pour un accent erroné ou une mauvaise ponctuation, on me regarde comme un dinosaure et pourtant je n’ai pas encore soixante ans. J’avais constaté (il y a déjà quelques années quand j’étais enseignante) que les élèves de seconde faisaient autant sinon plus de fautes que ceux du CM2 de mon époque. Et en calcul, ce n’était pas mieux, les opérations de base n’étaient pas maitrisées par certains lycéens, perdus sans leur calculatrice, le pire pour moi étant leur absence de logique à la lecture des résultats de la calculette ; ils écrivaient n’importe quoi sans aucun remords.

Pour expliquer cette baisse de niveau général des acquis de base, il faut savoir que trop d’autres missions ont été assignées à l’école. Lire, écrire, compter, ce ne sont que des embêtements pour les enfants et leurs parents, il faut que l’école soit ludique, agréable, sans difficulté. Elle ne doit pas déranger… J’aimais l’école Freinet qui parait sans contrainte (en existe-t-il encore ?) mais il faut des bases solides en lecture, écriture et calcul avant de passer à l’expression orale, la culture générale (qui ne doit pas être simplement du maquillage, de la poudre aux yeux). Pour être cultivé, il faut savoir lire et écrire. Comment assimiler l’histoire et la géographie sans lire couramment ?

Freinet pensait que c’est parce que l’enfant est dépouillé de responsabilités réelles que son activité se réfugie dans le jeu. L’éducateur, en le responsabilisant et en le considérant comme un adulte, l’aidera à grandir de façon naturelle.  En clair, ça ne sert à rien d’amuser les jeunes, sauf à abrutir. Y aurait-il une volonté délibérée de nos gouvernements de nous abêtir pour mieux nous manipuler ? Je le crois sérieusement. Comme je l’ai déjà écrit, il est plus facile de diriger des ânes que des gens qui savent réfléchir.

Pour en revenir à l’école, on lui a donné trop de missions (et pas toujours les moyens adéquats) : il faudrait que l’élève apprenne en plus de l’orthographe, la grammaire, le calcul, les mathématiques, l’histoire, la géographie, les sciences naturelles, la physique,  la chimie, la technologie, le dessin, les arts plastiques, la musique, une, voire deux langues étrangères (on oublie que les classes, hétérogènes, comptent de nombreux enfants d’immigrés dont le français n’est pas la langue maternelle),  l’informatique, et même la prévention routière. Qui trop embrasse mal étreint, répétait souvent ma grand-mère…

Bref, non seulement le temps consacré à l’étude de notre langue sur une journée de classe ou sur une semaine de cours s’est réduite, mais le nombre de jours de classe a diminué lui aussi. Ainsi en un siècle, la durée de classe est passée de plus de 1300 heures à 850 heures par an.  Je passais, en primaire, dans les années soixante (1960) environ à 35 heures par semaine à l’école, du lundi au samedi après-midi : 8h-11h et 14h-17h plus une heure d’étude (plus ou moins de garderie, sauf le samedi) de 17h à 18 h. Le jeudi , c’était repos. C’est de cette époque que date l’expression “la semaine des quatre jeudis“, tournure familière désignant une semaine idéale malheureusement imaginaire avec quatre jeudis non travaillés et un dimanche, il ne resterait que deux jours d’école. Faites néanmoins un calcul avec moi : 5 jours à 6 heures par jour = 30 heures plus 4 soirs d’étude, 34 heures au total, ce n’était pas loin de 35 heures. Au collège, c’était pire. En sixième, les emplois du temps nous laissaient encore le jeudi  mais du lundi au samedi, c’était 8h-12h et 14h-18h sauf le samedi 17h. Nous sommes dans une société qui allège tout. Sauf la note à payer.

Revenons à l’écriture. Depuis 1968, le rapport aux règles et aux normes s’est assoupli, en France, jusque dans l’expression écrite. Il n’y a plus de pages d’écriture et plus de respect des mots. Il est impossible ou presque de « deviner » comment s’écrit un mot ; on peut savoir intuitivement mais il faut utiliser des outils (dictionnaires, répertoires), savoir s’en servir, faire des analogies et lire pour progresser. A notre époque, il y a toujours autre chose à faire avant : télévision, internet, sports, sorties…  Or le français n’est pas simple, le son O peut s’écrire : o, ot, au, eau, aud, ault, haut et le son S avec s, ss, ci, ce. Quant à la lettre C sa sonorité n’est pas la même dans les mots : car, glace, chien, seconde et franc. Sans compter qu’un même assemblage de lettres ne fait pas le même mot : « les poules du couvent couvent ».

L’orthographe grammaticale, celle des accords et des conjugaisons, est encore moins bien maîtrisée. Il faut connaitre les auxiliaires et les compléments d’objet directs ou non, et les conjugaisons : la personne et le temps. Comment écrire et choisir entre manger, mangé, mangée, mangées, mangés, mangez, mangeai, mangeais, mangeait, mangeaient… Nos verbes et leurs conjugaisons sont redoutables, je pense encore au verbe suivre et à l’auxiliaire être, source de contresens : je suis… la grande allée (clic ICI pour relire «couchers de soleil»).

Il est difficile d’écrire sans se tromper dans notre langue mais pour y arriver, il faut choisir les priorités de l’école. Des enfants d’immigrés s’en sont sortis, avant, à grands coups de taloches et avec des moments de honte, mais ils s’en sont sortis. Aujourd’hui on accepte de souffrir pour être belle ou beau mais pas de faire quelques efforts pour s’instruire. Drôle de choix de priorités !

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14 réflexions sur « Orthographe »

  1. Bonsoir Françoise
    voilà le constat que je fais à la lecture de lévolution inscrite dans ton texte: les enfants ne jouent pas assez à la maison, alors il faut qu’ils puissent le faire à l’école! Avec le temps les parents se sont déchargés sur l’école pour accomplir les tâches éducatives qui étaient les leurs et il est certain que l’école ne peut pas les assumer du fait du rapport affectif inexistant. En voulant faire cela on consacre moins de temps aux enseignements de base, ces bases qui, si bien assimilées, permettraient de vivre en société sans se sentir tellement différent des autres. Pour moi ces bases sont ce que l’on nommait les arts libéraux et qui ont permis à de nombreuses civilisations de s’épanouir, malgré les guerres, la pauvreté les maladie endémiques et incurables etc…
    Le vrai problème est inscrit dans ta conclusion: le veut-on vraiment?
    Amitié
    Antonio

  2. Les adultes maltraitent la langue et trouvent cela normal , alors les enfants font pareil sinon pire.
    Je reviens tout doucement sur les blogs , j’espère que mon état grippal est maintenant derrière moi.
    Douce et agréable journée, Françoise
    Bisous
    TIMILO

  3. Chère Françoise,
    Je suis d’accord avec toi sur le constat.
    Je suis, tu le sais bien, outrée par toutes les fautes que je vois partout.
    On en voit même beaucoup lors des sous-titres à la télé.
    Je pense que le mal a commencé avec la méthode de lecture globale.
    Tu dis que les enfants doivent apprendre trop de choses, je ne crois pas, car nous-mêmes devions apprendre plein de choses à la fois, déjà.
    La culture générale est mise à mal et certains prônent qu’elle doit être abandonnée, tu te rends compte ?
    Je crois aussi que les populations trop instruites et capables de réfléchir font peur
    à certains gouvernements.
    Il y a du boulot pour revenir en arrière.
    Bises et bon début de semaine.

  4. …oui il y a du pain sur la planche, pour rattraper tout ce gâchis ! nous qui n’avons que notre “certificat d’études primaires” , sommes atterrés devant l’orthographe de nos petits enfants à l’Université ! on abandonne l’Histoire, la Culture générale, la Géographie est ignorée de la plupart ! espérons qu’un sursaut viendra ? merci Françoise pour ce bel article, gardons l’espoir ! bonne semaine et grosses bises

  5. Alors, suivant l’expression connue, “vous prêchez une convertie” ! Quelle horreur l’orthographe maintenant ! on écrit “comme on cause” ! Quant au calcul, depuis que nos bambins ne font plus de calcul au cours préparatoire, mais des “maths” (ce qui fait mieux dans le paysage (!) , c’est la

  6. (je continue, mon commentaire est parti tout seul !)
    je disais donc que le calcul devenait une vraie catastrophe ! 1+1, sans calculette, ça devient impossible ! “progrès” obligent !
    J’ai lu hier un article dans un journal…qui aurait pu être intéressant, mais à la condition d’en soustraire toutes les fautes avant lecture !
    Revenir en arrière ? alors ça…c’est certainement le plus compliqué !

  7. Le constat est-il sans appel ?
    En attendant lundi est de retour et moi aussi, pour te souhaiter une douce semaine.
    Même si le froid est bien installé, profite bien de tes journées.
    Gros bisous mon amie

  8. Forcément quand on n’écrit pas, on oublie beaucoup. Philippe me dit souvent qu’il va m’offrir des cours de français. J’attends l’exécution de ses menaces, mais entre-temps je me corrige. Récemment je lisais qu’il y avait de plus en plus de coquilles dans les livres. En effet les services de correction ont quasiment disparu des maisons d’édition. Même dans les collections les plus prestigieuses, il est aujourd’hui impossible d’ouvrir un livre sans rencontrer, une faute d’orthographe ou de grammaire. La qualité des livres se dégrade (elle aussi). On publie de plus en plus de livres, on les corrige de moins en moins. A qui la faute ? Ma cousine qui travaille dans une célèbre maison d’édition, me disait, que traditionnellement, une correction complète s’effectue en trois étapes. Aujourd’hui, une étape est supprimée. De trois relecteurs, on passe à deux. De plus la cadence de lecture augmente de 9000 à 12000 signes. Le tout à un prix qui n’a pas varié depuis des années, 11 euros de l’heure ! Les financiers ont pris le pouvoir dans certains groupes donc ils font la chasse à l’économie ! Au plaisir de vous lire. Amicalement Pimprenelle.

  9. Je pense qu’il ne faut pas dramatiser : à toutes les époques, il y a de tout : des gens très cultivés et d’autres incultes…On fait moins attention à l’orthographe, c’est vrai…mais autrefois n’était-il pas excessif de mettre un zéro à un devoir parce qu’il y avait 5 fautes, combien ont cru qu’ils étaient mauvais en français simplement parce qu’ils étaient mauvais en orthographe

  10. Bonjour
    Question orthographe on a toujours été fâché ensemble !!!
    Parfois je suis vraiment ennuyé !!! alors j’essaie de trouver une autre phrase qui me semble juste, et encore !!!
    En plus les mauvaises frappes que je ne voie pas… alors je ne te dis pas !!!
    Sincèrement
    Jean

  11. Bonjour,

    Encore un très bon article (qui enflamme les foules ^^)!

    My 2 cents:
    Personne n’a semblé mentionner les opérateurs téléphoniques et la création du SMS.
    De part sa nature le SMS était limité en nombre de caractères, sinon il fallait payer le prix fort: Les jeunes (moi y compris), tâchions de caler le plus de phrases possibles dans l’espace le plus serré, en utilisant de la phonétique, des abréviations:
    “slt C Kmille, cmt va?”. Cela a duré combien de temps? 5 ans? 10 ans? Le temps de pourrir (si si) 1 ou 2 générations, qui maintenant n’arrivent plus à faire la différence.
    Bref, vive Free Mobile 🙂

    Les temps changent, les technologies évoluent, et de nouveaux moyens de communications apparaissent: Ceux-ci façonnent notre manière d’écrire,de lire et même d’appréhender l’information.
    Ce qui est sûr, c’est que je penserai à tout cela quand viendra mon tour d’élever mes gamins: Du bon papier à l’ancienne, de la lecture, du Harry Potter que diantre!

    M’enfin, comme toujours, l’enfer est pavé de bonnes intentions!

    Bises!
    Camille

  12. à force de vivre dans le virtuel avec des pseudo correcteurs d’orthographe….
    triste;
    bonne soirée, Françoise

  13. Ce n’était pas prévu, étant à jour avec mes “coms” je clique sur ton nom. Bien m’en a pris. Ton article m’a beaucoup intéressé. Bien que n’ayant que les études primaires pour tout bagage, je suis un amoureux de la langue française. Chez nous, en Belgique, nous n’avons pas ou très peu, sauf dans les grandes villes le handicap d’élèves de nationalité étrangère. Pour parler de mon “jeune temps”, à l’époque nous devions remettre trois rédactions par semaine. En plus, je lisais déjà beaucoup, même des livres pour adultes dès l’âge de dix ans. Et ça n’a pas changé. Stop, Henri, ça suffit ta logorhée. Amicalement. dinosaure80.

  14. le langage est un peu l’ expression orale de l’ écriture !
    on ne peut s’ étonner lorsqu’ on écoute les reporters et autres commentateurs s’ exprimer !
    et d’ accord avec toi aussi, sur une culture générale, puis une spécialisation !
    il est évident qu’ il est impossible de tout enregistrer

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