Aujourd’hui dimanche, je laisse l’essentiel de la parole à un auteur que j’adore : VOLTAIRE. Ce texte est, à mes yeux, LA référence quand on parle de tolérance.
Pourquoi Voltaire ? Pourquoi Dieu ? Pourquoi tolérance ?
D’abord, parce que c’est dimanche et parce que j’ai envie (ce qui est une excellente raison) et parce que Voltaire me semble l’un des auteurs les plus aisés à comprendre (même si son ego était sans doute un peu hypertrophié), il me permet de mettre les choses au point entre vous et moi ; parce que j’évoque Dieu, de temps à autre, plus par habitude (ou tic ?) de langage que par réelle foi ; je suis une mécréante, ne vous choquez pas, je dis haut ce que d’autres pensent tout bas (je me comporte sans doute mieux que quelques bigots dits aussi hypocrites, pharisiens, ou tartuffes). Enfin la tolérance, parce que nous sommes de moins en moins indulgents, malgré nos grandes déclarations, envers l’autre qui n’a pas la bonne couleur de peau, mange, boit, s’habille différemment. Peu m’importe à moi, ses différences, tant qu’il n’empiète pas sur liberté des autres, ni (surtout) sur la mienne, qu’il se conforme à la morale reconnue dans mon pays. Il faut bien qu’un ordre soit établi ; pourtant combien de fois ai-je eu envie de crier “Ni Dieu ni maître” ? Ca, c’est un autre sujet. Revenons-en à Voltaire.
Bonne lecture
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Traité sur la tolérance, Prière à dieu, chapitre XXIII de Voltaire
Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un coeur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible. Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.
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Ce que j’aime dans ce texte c’est qu’il a l’apparence d’une prière à Dieu, mais qu’il s’adresse aux hommes.
Les premiers destinataires de la prière sont les hommes : “Ce n’est donc plus aux hommes”, c’est une figure de style efficace pour attirer l’attention : la prétérition (silence non tenu).
Puis tout en feignant de s’adresser à Dieu, Voltaire insiste sur l’infériorité des hommes face au Tout-Puissant. Les hommes sont si fragiles et stupides : “faibles créatures”, “imperceptibles” , “nos débiles corps”, “les atomes appelés hommes” qu’ils ne peuvent pas comprendre, or je pense que Voltaire avait foi en l’intelligence humaine.
L’adresse faite à Dieu est peu marquée il n’y a que deux verbes “daigne” et “fais que”, en revanche le contenu de la demande est très importante, mais, comme le “fais que” n’est pas répété, la demande s’adresse directement aux hommes.
Dieu est universel et bon, Voltaire cite sa générosité absolue : “à toi qui as tout donné “, sa puissance et son éternité “dont les décrets sont immuables comme éternels”, “ta bonté”, son omniscience “car tu sais”, mais Voltaire est-il sincère ou ironise-t-il une fois de plus ?
Le contenu de la prière est propre à une prière : il renvoie à la compréhension. Dieu est-il compréhensif ? Il est Tout-Puissant et décide donc pas de compréhension, à la tolérance entre les hommes, “tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr et des mains pour nous égorger”, il écarte la responsabilité divine pour mettre en avant celle des hommes. Dieu a donné des capacités aux hommes qu’ils utilisent mal. Le Tout-Puissant ne l’est donc pas tant… tout puissant si les hommes font ce qu’ils veulent (ah, c’est le libre-arbitre !?).
Voltaire joue l’humilité pour ne pas trop choquer ses contemporains, son humble demande souligne la soumission de l’homme devant Dieu : “s’il est permis à de faibles créatures” d’ “oser te demander”, “daigne”. Dans quelle mesure ne joue-t-il pas au Tartuffe ? Il s’adresse aux hommes et il insiste sur leur comportement destructeur, “haine et persécution”, “haïr et égorger”, “nos lois imparfaites”, “vanité”, “la tyrannie”, “le brigandage “, ” les fléaux de la guerre “…
La partie de ce texte qui me le fait aimer beaucoup, c’est cette condamnation des rites, des dérives religieuses, sectaires. Voltaire reproche aux ecclésiastiques leur goût pour l’argent, la fortune et le pouvoir.
Il utilise des périphrases pour désigner cette hiérarchie ecclésiastique, cette mascarade : “ceux dont l’habit est teint en violet” (évêques), “ceux dont l’habit est teint en rouge” (cardinaux), ou d’autres encore “sous un manteau de laine noire”, ça ne vous rappelle rien d’actuel ces déguisements ? Je passe sous silence les “quelques fragments arrondis d’un certain métal” (argent), “un jargon formé d’une ancienne langue” (latin). Toutes ces périphrases sont dépréciatives, elles dévalorisent volontairement comme le “petit tas de la boue”, “ces petites nuances”.
Voltaire ne s’adresse pas au Dieu des chrétiens mais au Dieu de tous les hommes : “Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, de tous les temps” “à bénir également en mille langages divers”. C’est celui-là mon éventuel Dieu.
Il faut arriver à dépasser toutes les pratiques religieuses rituelles qui divisent les hommes et rejeter toutes les formes de violence dans le respect d’autrui.
Qu’en pensez-vous ? Est-ce possible ? A qui s’adresser ? A Dieu ? Aux hommes ?
moi non plus je n’ ai jamais caché que je croyais en Dieu, n’ imaginant pas que du néant puisse surgir l’ univers.
Le clergé, c’ est autre chose, et je n’ apprécie pas que dans une religion qui prône l’ amour du prochain, il y ait une hiérarchie quasiment militaire.
Malgré l’ évolution, les êtres humains , s’ ils ont une base commune, diffèrent tous.
Nous naissons tous avec un tempérament différent, et le contexte, fait que je ne crois pas à l’ égalité !
Je remarque quand même, qu’ il vaut mieux respecter certaines règles, puisque tout excès a des conséquences .
et de suivre les 10 commandements, comme la volonté du Christ, ferait un monde bien meilleur !
bon dimanche
amitiés
Bonjour Françoise,
Si je ne suis pas réellement mécréante, je suis très sceptique quant à l’existence d’un Dieu.
La religion a toujours divisé les humains au lieu de les rapprocher, et le temps qui passe n’y change rien, cela continue plus que jamais. Elle a été et est toujours à l’origine de nombreuses guerres.
Tu dis que Voltaire croyait en l’intelligence des hommes, je n’en suis pas si sûre,
Il disait préférer la compagnie de son chien à celle des hommes.
C’était un vrai tolérant qui disait aussi :
“je ne suis pas d’accord avec ce que vous dîtes, mais je me ferai tuer pour que vous puissiez le dire”.
Il nous manque des “Voltaire” aujourd’hui. Pour moi, celui qui s’en rapproche le plus est peut-être, Badinter.
Voilà, chère Françoise, tu soulèves des problèmes intéressants mais très complexes,
dignes d’un cours de philo. Peut-être es-tu ou étais-tu enseignante ?
Bon dimanche, avec toute mon amitié.
La tolérance est ce qui fait souvent défaut dans nos sociétés, humilité et compréhension sont liées à ce sentiment qui s’éloigne de l’indifférence, car tolérer sans comprendre n’est qu’indifférence…
Bon dimanche, amitiés
Pour trublion,
D’accord avec toi sur les règles indispensables pour une société paisible sinon idéale.
Pour l’égalité, je suis de ton avis aussi : l’égalité est utopique ; il suffit de se regarder dans une glace (LOL).
Quant à l’existence de Dieu, j’ai de plus en plus de mal. La science peut expliquer tant de choses.
Comme le clergé, les soldats d’un Dieu quel qu’ils soient me révoltent, alors, je doute…
Merci pour ton commentaire.
Bon dimanche, amicalement et à bientôt.
Bienvenue à Korielle dont c’est le premier commentaire et dont les mots sont bien choisis : tolérance, humilité et compréhension.
A bientôt.
Etre mécréante, c’est être sceptique quant à l’existence d’un Dieu. Et oui, Clara, tu en es une, comme moi.
Par contre, Voltaire et sa croyance dans l’intelligence des hommes, tu as raison mais j’ai voulu encourager à la lecture, lol.
Je retiens surtout son humanité, sa tolérance et cette phrase est celle qui me plait le plus chez lui (mais qui n’est pas de lui, manifestement) « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dîtes, mais je me ferai tuer pour que vous puissiez le dire ».
Oui, il manque des Voltaire, des gens courageux, prêts à se sacrifier pour des idées mais quand on a été bercé par Brassens ou que l’on aime le chanteur, on ne peut oublier. “Mourir pour des idées, oui mais de mort lente”.
Je sais que les problèmes soulevés sont complexes mais comme je n’arrête pas de penser, même en faisant autre chose, j’ai envie d’aider ou d’encourager à se poser des questions. La vie quotidienne nous rend semblables à des robots, motivés par le fric essentiellement, et le politiquement correct. Ca fatigue de penser. Ca fait peur aussi.
J’ai vu encore cette semaine, la tête d’hypocrites qui veulent donner des conseils, alors ça me titille de m’épancher. Tu auras des compléments d’informations dans la semaine qui vient : vérité, mensonge, non-dits…
Je fus prof d’économie-gestion. Je pense qu’il me reste ce besoin de faire passer des informations, des messages. A bientôt.
Bonjour Françoise, et bien je ne crois pas en Dieu donc en aucune religion, ces dernières, n’ayant amené que des guerres donc des morts !
La tolérance, on ne peut pas tolérer tout et n’importe quoi !
Tu nous fais faire des devoirs de philosophie.
Voltaire préférait la compagnie de son chien, alors que j’aime Voltaire.
Contente que Korielle ait trouvé ton blog !
Bonne fin de journée, bisous.
Chantou.
Oh! là ! une Vieille Marmotte qui n’a pas envie de se casser la tête, bien qu’elle fût excellente (mais oui ! ) en philosophie dans les années … ? 60 ? 61 ? oh! que c’est loin . Mais je n’ai jamais oublié Voltaire . Cependant je n’avais pas connaissance de ce texte !
Il ne devait pas être “politiquement correct” dans l’Institution religieuse (catho) où je faisais mes études !
Un texte qui n’a pas pris une ride ce me semble !
Oui je suis aussi une mécréante !
Et j’ai une idée toute à fait “personnelle” de “MON” Dieu comme on dit – Car je crois que, fondamentalement, chacun a “SON” Dieu . Mon Dieu s’appelle Toi, quand tu es tolérant, généreux, (etc) … Ton Dieu s’appelle Moi quand je vais vers toi avec tolérance, ouverture, bienveillance , et tout et tout …. Je n’ai jamais VU Dieu, mais je vois ma voisine qui rit, qui pleure, qui a mal et ne peut plus aller chercher son pain … Je vois mon voisin dont on se moque parce qu’il est “original” ou “différent” … Etc …
Des VOLTAIRE, je crois qu’il y en a encore . Encore faut-il que je sache le VOIR …
J’attends la suite ….
Je t’embrasse amicalement .
oui nous avons beaucoup de points communs !
c’est étrange et jubilatoire de voir ici écrite ma pensée avec les mots d’une autre personne… J’aime aussi ce texte de Voltaire. Il me touche car j’en comprends chaque mot et chaque intention, et surtout je les partage. Mais je doute qu’il puisse arriver à amener quiconque à plus de tolérance !
Il faut arriver à dépasser toutes les pratiques religieuses rituelles qui divisent les hommes et rejeter toutes les formes de violence dans le respect d’autrui.
Qu’en pensez-vous ? Est-ce possible ? A qui s’adresser ? A Dieu ? Aux hommes ?”
– ce serait l’idéal…
– je ne le pense pas
– à Dieu, car il faudrait un miracle
Personnellement, je ne crois qu’en moi et j’y puise ma force. On va dire que croire en quelque chose de supérieur m’est insupportable (conflit d’égo). Mon côté control freak je pense !
Bonjour,
Voici un texte de Pierre-Jean de Béranger, chansonnier rebelle (1780-1857) comme contribution au débat:
Le pape musulman
Jadis voyageant pour Rome,
Un pape, né sous le froc,
Pris sur mer, fut, le pauvre homme,
Mené captif à Maroc.
D’abord il tempête, il sacre,
Reniant Dieu bel et bien.
Saint-Père, lui dit son diacre,
Vous vous damnez comme un chien.
Sur un pal que l’on aiguise
Croyant déjà qu’on le met,
Le fondement de l’église
Dit : Invoquons Mahomet.
Ce prophète en vaut bien d’autres ;
Je me fais son paroissien.
Saint-Père, au nez des apôtres
Vous vous damnez comme un chien.
Aye ! aye ! on le circoncise.
Le voilà bon musulman,
Sinon parfois qu’il se grise
Avec un coquin d’iman.
Il fait de sa vieille Bible
Un usage peu chrétien.
Saint-Père, c’est trop risible ;
Vous vous damnez comme un chien.
En vrai corsaire il s’équipe ;
Pour le Croissant il combat,
Prend le sorbet et la pipe ;
Dans un harem il s’ébat.
Près des femmes qu’il capture,
Voyez donc ce grand vaurien !
Saint-Père, quelle posture!
Vous vous damnez comme un chien.
A Maroc survient la peste ;
Soudain fuit notre forban,
Qui dans Rome, d’un air leste,
Rentre avec son beau turban.
Souffrez qu’on vous rebaptise.
Non, dit-il, ça n’y fait rien.
Saint-Père, quelle bêtise!
Vous vous damnez comme un chien.
Depuis, frondant nos mystères,
Ce renégat enragé
Veut vider les monastères,
Veut marier le clergé.
Sous lui l’église déchue
Ne brûle ni juif ni païen.
Saint-Père, Rome est fichue ;
Vous vous damnez comme un chien.
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