Aujourd’hui un billet loin de l’Amérique du Sud, un billet qui trainait dans mes brouillons, écrit il y a bien longtemps mais qui devrait servir à une vieille amie et à une autre copine dont le moral connait des fluctuations en ce moment. Ça arrive à tout le monde “d’être mal”, il n’y a pas à en avoir honte mais il faut vouloir s’en sortir sans compter exclusivement sur les cachets car si la chimie peut être efficace (je parle en connaissance de cause), rien ne vaut le désir personnel de vivre qui est tapi au fond de soi (là aussi je sais de quoi je parle).
Voilà mon vieil écrit :
Fatiguée… et même plus. Usée. Quasi désespérée. Comment faire quand on sait que la petite goutte qui fait déborder le vase est sur le point de tomber ? Que faire quand on sent qu’on perd pied et qu’on est en passe de se noyer mais que personne ne le voit ni ne le comprend ? Que faire quand on ne sait plus s’il vaut mieux rire ou pleurer ? S’il vaut mieux se taire que parler ? Que faire quand on ne se supporte plus ?
Voilà qui me rappelle une époque et un livre de Philippe Labro : “Tomber sept fois, se relever huit”, c’était un message d’espoir face à la maladie honteuse qu’est la dépression nerveuse.
Oui, la dépression fut longtemps une maladie honteuse, celle des faibles disait-on. Aux déprimés, on disait : “Secoue-toi, un peu, tu as tout pour être heureux, regarde ceux qui ont de vraies raisons d’aller mal…” Aucun réconfort. Or, dépressif, on a besoin d’aide, d’amour. Dépressif, on tombe et on se relève presque tout seul ; on retombe et on se re-relève. On ne se sort pas facilement de ces périodes sombres. Et surtout on se sent seul.
Quand on en est sorti, on sait que l’on peut retomber. Finalement, un dépressif, même “guéri” ne l’est jamais vraiment, il le sait ; il sait qu’il passe son temps à marcher en équilibre, sur un fil. Quelquefois il le fait sans crainte, sans même y penser, à d’autres moments, il cherche un balancier introuvable et il a peur de ce qui l’attend, il a peur de cette chute dans un trou noir, dans un puits sans fond que personne n’imagine.
Le dépressif pense que tout est de sa faute. Il mérite ce qui lui arrive. Il ne sait pas se faire comprendre… Comment trouver les mots justes pour appeler au secours clairement, efficacement, pour être enfin compris ? C’est bien là que se situe le problème : quand on déprime, on a la sensation d’être incompris en permanence, de dériver, de ne plus pouvoir se raccrocher à quelque chose de tangible, on a le sentiment d’être indigne d’être aimé, d’être indigne de vivre, d’être inutile, gênant et que de toutes façons, le monde entier court à sa perte sans vouloir en prendre conscience. Quand on déprime les angoisses deviennent de plus en plus vertigineuses.
Certes il y a des jours où le soleil brille davantage, des jours où les larmes peuvent couler toutes seules devant la beauté d’un coucher de soleil, en regardant un groupe d’amis discuter en riant ou simplement en entendant des mots gentils ou un peu drôles, des jours où l’on se sent à nouveau vivant et presque bien dans sa peau. Ces sensations sont plus ou moins fugitives, plus ou moins fréquentes. elles annoncent en général un mieux mais un mieux fragile car la dépression, c’est essentiellement le sentiment d’un isolement de plus en plus grand contre lequel on ne peut plus lutter ; c’est aussi un incommensurable dégoût de soi, on se sent moche, inutile, indigne de tout, d’amour, d’amitié, de sympathie…
La dépression c’est se sentir comme une boîte ou une coquille vide, être sans aucune énergie, c’est la peur de ne pas se reconnaître dans le miroir, c’est cette sensation de dédoublement, d’étrangeté, c’est s’isoler encore plus dans sa tête : un exil intérieur où l’on se sent coupé du monde.
Pour en finir avec cette souffrance, l’idée du suicide n’est jamais bien loin mais pas facile de passer à l’acte quand on réfléchit trop. On se procure “Suicide, mode d’emploi” et on ne trouve aucune recette, rien de plus pratique ou de plus efficace que ce à quoi on a pensé. Mourir, ça fait peur et ça peut faire mal et ça fait encore plus peur si ça doit faire mal. Si on réfléchit encore, on se dit que certaines morts ne sont pas “classe” (on est bleu, on s’est fait pipi ou caca dessus, on est défiguré…) et on pense finalement que la fin viendra bien toute seule un jour. Alors on patiente en continuant à souffrir.
Puis un jour, on ne sait pas non plus pourquoi, on sent que le soleil revient et on remonte vers la surface. Cette remontée peut être longue et les re-plongées existent mais lorsque le fond de l’abîme est atteint, on peut taper du pied, comme au fond de la piscine pour rebondir, pour reprendre de l’élan et s’extirper de cet état. On se sent comme les bulles de champagne qui montent dans le verre et qui sortent d’on ne sait où (la saleté du verre m’a dit un jour un beau-frère).
Finalement, on se rend compte que l’instinct de survie est plus fort que tout, comme celui qui vous pousse, d’une manière quasi animale, à vous reproduire et pourtant on sait bien qu’en mettant un enfant au monde, on lui donnera les mêmes angoisses que celles qu’on a et que malgré tous les efforts que l’on fera pour lui rendre la vie plus douce, la route sera dure pour lui. (et pour nous aussi).
Oui, un jour, on peut se sentir beaucoup mieux, presque bien.
Courage à vous qui êtes dans le creux d’une vague sombre !
C’est un très beau texte que tu as écrit là.
Moi qui suis en plein dedans (avec ma mère, je te rassure, pas moi)
J’essaie de comprendre cette maladie sans la juger. C’est souvent un état d’angoisse qui génère la dépression. Les techniques de méditation, relaxation, hypnose font autant de bien que les médicaments.
Belle soirée à toi Françoise
¸¸.•*¨*• ☆
Bonjour Françoise .. Quelle belle surprise que de te lire ..
Merci pour ta gentille visite ..Oui ma douce amie , les jours se suivent mais ne se ressemblent pas .. Comment vas tu ? Les années s’accumulent et ne nous épargnent pas leurs misères et leurs chagrins ….Chacun de nous connaîtra le moment , le plus difficile , personne n’y échappe . .Mais aujourd’hui je te retrouve , c’est un vrai bonheur et c’est ce qui compte non ? .. Comme pour beaucoup de mes amies , 2016 fut un grand tournant pour nous , il faut apprendre a y faire face c’est ce que j’essaie de faire dans les cinq mois a venir ..Mes enfants m’aident beaucoup et j’ai beaucoup de chance de ce cote , je l’avoue .. Et toi comment vas tu …C’est un beau texte que tu écris , s’il te concerne, je te comprends ..notre cerveau est le plus bel organe de l’être humain , il nous permet de surmonter et de voir le meilleur de la vie .. Garde courage ma douce amie .. écris moi si tu veux , je suis si heureuse de te retrouver .. A bientôt Françoise ..
Je t’embrasse ..
Nicole ..
Superbe texte que beaucoup de dépressifs devraient lire …
Il faut l’avoir vécu pour tout comprendre.
De nos jours, je crois que c’est de pire en pire.
Perso, j’ai vu mon papounet s’étioler, jours après jours.
Les hommes n’en sont pas exempts, bien qu’on parle beaucoup plus souvent des femmes.
Je te souhaite un bon week end, avec un temps mitigé … pffff
Bisoux, chère françoise !
PS : je commence la radiothérapie lundi … J’ai enfin eu tous les résultats !
Je n’ ai jamais eu à subir cette maladie, mais j’ y ai été confronté .
C’ est vrai qu’ elle est difficile à cerner, parce qu’ il n’ y a en fait aucune raison plausible qui l’ explique !
Tout ce qu’ on peu constater, c’ est que la personne atteinte se désespère sans trouver de solution !
On ne peut pas abonder, ce serait une erreur, pas la juger non plus.
C’ est un ouf de soulagement quand on voit que le moral revient, si important que le problème soit physique ou somatique.
Beau Billet Françoise
Passe une bonne journée
Bisous
malheureusement nous ne pouvons pas toujours être au top, mais il ne faut pas non plus nous laisser nous enfoncer, aller on se relève et on repart du bon pied…..en tout cas je te souhaite une belle journée
Rassure-toi, Nicole, ce n’est pas moi qui souffre en ce moment. J’ai vieilli et je vais mieux mais j’ai connu ça et je sais donc de quoi je parle. Alors, si ça peut aider.
Le pire, pour moi, fut entre trente-neuf et quarante ans, l’impression d’être vieille, d’avoir fait tout faux, de ne pas être capable de supporter les épreuves (le travail, les enfants, les décès…) et surtout de ne pas être aimée comme je l’aurais voulu. Puis un jour, je suis allée mieux car j’ai compris qu’il ne faut pas toujours nager à contre-courant, que se laisser porter, de temps en temps, ou plutôt le plus souvent possible est moins éreintant. Voilà, Nicole, tu sais tout.
Bonne journée et merci pour ton commentaire du jour.
À Célestine,
Les techniques autres que la chimie sont efficaces et un petit coup de pouce chimique peut aider. L’acupuncture aide bien (mieux, je crois) pourtant je pense que le déclic qui se fait ne tient pas à grand chose (quoi, on se sait pas vraiment). Le vrai bon déclic met du temps a être trouvé mais le plus absolu, c’est de se sentir aimé, encouragé et non jugé.
J’ai parlé du “malade”, le dépressif mais je reconnais que ce ne doit pas être facile pour l’entourage. Il n’empêche que celui-ci peut se montrer destructeur avec ses “T’as tout pour être heureuse !”, “Secoue-toi un peu”, “Tu n’es qu’une éternelle insatisfaite !”, “Tu n’es pas courageuse !” et je crois que c’est cette dernière remarque qui enfonce le plus. C’est tellement dur à vivre qu’il faut vraiment du courage pour continuer à certains moments.
Belle journée.
Dépression = dévalorisation de soi + culpabilité !
C’est une maladie qu’il ne faut pas traiter qu’avec de la chimie, comme tu le dis.
Et cela ne sert à rien d'”engueuler” la personne comme certains le prônent.
Il faut lui faire reprendre confiance pour qu’elle aille de l’avant.
Très bon week-end
Bonjour,
Un très beau texte qui me percute doublement…
Un texte qui remue davantage tout cette obscurité…
Je m’explique, pour toi. (Tes lectrices, et lecteurs ne me connaissent pas, alors j’échappe à leur compassion ; compassion que je ne souhaite pas, d’ailleurs !)
J’ai catalogué ma femme “depressive”. Elle même m’avait prévenue qu’elle avait fait plusieurs dépression dans son passé. Ceci pour confirmer qu’on “suspend” la dépression sans jamais l’éradiquer…
J’ai failli envers elle, en tant qu’homme, en tant que mari, en tant que confident…
Je l’ai réexpédié dans son pays, désarmé et paniqué face à sa nouvelle dépression. je pensais que c’était le seul moyen de la sauver de son inclinaison mortifère (elle se mutilait, voulait se suicider ; ne supportait plus cette vie avec moi, ne me supportait plus…)
Hier soir, au boulot, je me suis un peu confié à un inconnu qui a dit en plaisantant : “tu l’as chassé pour qu’elle meure loin de toi !”
Ce m’a percuté. j’en ai pas dormi de la matinée !
Et voilà ton texte. Rien n’arrive par hasard.
Ce sentiment de solitude, d’incompréhension, d’abandon… je l’ai aussi depuis que je suis enfant… Je ne m’aime pas, pire je me hais. Jeune homme je m’étais procuré “Suicide, mode d’emploi” et j’avais lu ce livre insatisfait ‘les méthodes ne me convenait pas)…
J’avais fini par choisir de m’entailler l’avant bras, plus malsain et douloureux selon moi…
Et puis quelque chose m’a fait faire marche arrière… Il me reste à ce jour des cicatrices sur mon avant-bras gauche…
Suis-je dépressif ?… Je ne me suis jamais considéré comme tel.
Pourtant tous tes mots j’aurai pu les écrire sans forcer, avec encore plus de détails…
Le suicide n’a jamais quitté ma psyché…
Et je réalise que si ma femme s’est effondrée, c’est à cause de moi !
Quelle ironie qu’est l’horreur de l’inconscience, quelle pitié amère je suis…
Je suis… choqué, profondément choqué et… meurtris.
Je ne remet pas en cause tes mots. Ils sont là pour délivrer un message.
Je peux appliquer les solutions pour ma femme, mais je suis dans l’impasse quant il s’agit de moi… Avant de te lire aujourd’hui, j’avais décidé d’engager mes dernières forces pour “réparer” (si cela m’est permis) ma trahison envers ma femme…
Je prends conscience que cela est vain si je ne fais rien pour moi…
Mais ma priorité est bien “elle” avant moi.
Même si j’ai peur d’échouer maintenant, je ne peux faire marche arrière. je ne veux pas faire marche arrière…
Alors je vais devoir me haïr davantage afin de ne plus révéler la moindre once d’émotion négative dans la proximité de ma femme… Pour la sauver.
C’est tout ce qui compte pour moi.
J’accepte de succomber dans le projet…
Je ne compte pas. Plus maintenant.
Merci de tout cœur de ton écrit… Il m’humilie, et cette humiliation porte son propre message…
Merci du fond du coeur.
Gilles, alias “hyôtoko”, “kakushiken”, “le rônin”, etc.
Bonsoir Gilles le rônin,
J’ai lu ton long commentaire et certains de tes mots m’ont émue et ont retenu mon attention, ceux-là en particulier “Ce sentiment de solitude, d’incompréhension, d’abandon… je l’ai aussi depuis que je suis enfant… Je ne m’aime pas, pire je me hais. Jeune homme je m’étais procuré “Suicide, mode d’emploi” et j’avais lu ce livre insatisfait ‘les méthodes ne me convenait pas)…” Alors là, que te dire si ce n’est que je me retrouve tout à fait, des idées au livre sauf que je n’ai pas de haine envers moi ; ça, c’est arrivé et c’est passé. Je ne m’aime pas encore vraiment mais j’ai progressé, j’arrive à m’apprécier à certains moments, à d’autres je “m’insupporte” encore. Je ne suis plus dépressive mais pas facile de s’aimer quand on n’a pas été aimé comme on aurait voulu. Là est le nœud du problème.
Par ailleurs, tu écris “ Pour la sauver. C’est tout ce qui compte pour moi. J’accepte de succomber dans le projet…” et là alors, je ne sais que te dire. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans ta vie mais ce que je vois et que je crois comprendre, c’est une déclaration d’amour comme jamais je n’en ai vue.
Ta femme était dépressive avant de te connaître, tu l’étais sans doute aussi et deux négatifs ne donnent pas du positif à part en math. Je ne connais pas ton histoire mais tu dois être excessivement masochiste. Dur de s’en sortir mais pour être mieux, il faut penser à toi d’abord. Tu ne la sauveras pas et toi non plus en restant dans cet état d’esprit.
Je ne peux te donner aucun conseil car chacun fait comme il peut, ou comme il veut. J’espère juste que la paix intérieure arrivera pour toi et pour d’autres qui souffrent aussi.
Si tu le veux bien, relis mon écrit et vois ce qu’il peut t’apporter pour t’aider à regarder le soleil qui luit plutôt que les attirantes ténèbres.
Oserai-je un “bonne nuit ” ?
Françoise,
Je ne peux rien ajouter à mes propos, mais je peux me défendre d’une étiquette, ce sera celle dont tu m’affubles… “Masochiste” ?
Il me semble que le masochiste éprouve un certain plaisir à ressentir la douleur. ce n’est pas mon cas. Je supporte la douleur, mais je n’en tire aucun plaisir, aucune satisfaction.
J’accepte d’endurer la douleur si elle mène à du “positif”. c’est l’enseignement de la douleur : se dépasser et assimiler une situation afin de la corriger ; et non de la renouveler sans rien changer. Le masochiste ne change pas la situation, il la vit pleinement…
C’est donc là, selon moi, où je diffère du masochisme…
Merci de ton passage et de ta réflexion.
Bon dimanche.