J’ai découvert avant-hier ce mot “sirandane” (mieux vaut tard que jamais, non ?) et je vous ai présenté hier le spectacle pour enfants «Tigouya, lo margouya té i vé allé voir la mer» (Tigouya, le margouillat qui veut aller voir la mer). Je vous ai parlé des sirandanes, puis je suis tombée sur un texte de Le Clézio qui présente les sirandanes. L’auteur est Mauricien, il sait de quoi il parle, c’est son enfance, sa vie.
Voilà le texte :
«L’univers des sirandanes est un lieu sans frontière, où nul n’est séparé. Les végétaux, les animaux, les hommes et les éléments sont encore très proches les uns des autres, comme au premier moment de la création. Ici, dans cet univers primordial, les plantes ont la gale, les rivières marchent, le feu et l’eau sont semblables à des animaux, et l’homme peut être tour à tour pierre, arbre ou poisson. Ici les animaux, comme dans les premiers contes, sont parents de l’homme, son grand-papa, ou sa grand-maman, son oncle ou son cousin, ils partagent avec lui la même terre, la même eau. L’arbre, qui tombe et devient pirogue, est un “ mort qui porte le vivant ”, et la peau du bœuf qui sert à fabriquer les souliers de l’homme est un “ mort qui conduit le vivant ”. La fontaine est une demoiselle, n’est-elle pas fée chez les Celtes ? Et le ciel un jardin immense semé de “grains”.
On voudrait parler d’animisme ; c’est la leçon philosophique des sirandanes, cet art de la parole si léger et si grave. Il y a, je crois, un message étrange qui est venu de la “grand-terre”, ou peut-être même du cœur de l’Afrique, et qui a gardé la vérité profonde des religions et des mythologies premières, qui a conservé cette connivence entre les hommes et leur monde, ce lien qui unit les chasseurs et les premiers collecteurs à la savane et à la forêt. On sent ici la force des éléments, le ciel, les orages, les vents, la puissance de la vie dans tous ses dessins, dans tous ses gestes, car c’est elle qui cache un visage d’enfant sous la barbe de vieillard de la noix de coco, c’est elle qui donne un pouvoir au piment si petit, et son privilège à la “grand-maman” araignée qui seule peut franchir le pont qu’elle a fait. Cet univers n’est pas puéril, il est simplement attentif, sans cesse réinventé par la surprise, ou par le rire.» J.M.G. LE CLEZIO, Padport po Sirandanes
Voilà quelques sirandanes extraites de «L’univers des sirandanes» de J.M.G. et J. Le Clézio, Sirandanes, Seghers 1990.
– Tapi mo gran papa plin pinez ? – Zétwal.
(Le tapis de mon grand-père est plein de punaises ? – Les étoiles.)
– Trwa piti nwar get vent zot manman burlé ? – Lipye marmit.
(Trois petits Noirs regardent brûler le ventre de leur maman ? – Les pieds de la marmite.)
– Kat pat mont lao kat pat. Kat pat alé, kat pat resté ? – Lisyin lao sez.
(Quatre pattes sur quatre pattes. Quatre pattes s’en vont, quatre pattes restent ? – Un chien sur une chaise.)
– Dilo dibout ? Cann. (que l’on entend dans le spectacle Tigouya)
(De l’eau debout ? – Une canne [à sucre])
J’espère que vous appréciez cette façon de découvrir l’ile de La Réunion et les Mascareignes.
Bonjour
Bon, pour ma part n’étant pas animiste, j’ai peut-être un de peine à suivre…
Amicalement
Jean
…amusantes ces devinettes créoles ! très imagées ! Le Clezio en parle bien …
bisous chere Françoise
quelle jolie façon d’apprendre et surtout…de raconter ! On a l’impression de “vivre” à la Réunion !
Bonne nuit! Je vous embrasse.
on y est nature, et proche d’ elle !