“Des lois d’intimidation sont venues supprimer les libertés, … rien n’a remué ; on a usé de l’arbitraire ; on a égorgé dans la rue Transnonain, mitraillé à Lyon, intenté de nombreux procès de presse ; on a arrêté des citoyens, on les a retenus des mois et des années en prison par mesure préventive, et l’on a applaudi. Le pays usé, qui n’entend plus rien, a tout souffert. Il est à peine un homme qu’on ne puisse opposer à lui-même. D’années en années, de mois en mois, nous avons écrit, dit et fait tout le contraire de ce que nous avions écrit, dit et fait. À force d’avoir à rougir, nous ne rougissons plus ; nos contradictions échappent à notre mémoire, tant elles sont multipliées. Pour en finir, nous prenons le parti d’affirmer que nous n’avons jamais varié, ou que nous n’avons varié que par la transformation progressive de nos idées et par notre compréhension éclairée des temps. Les événements si rapides nous ont si promptement vieillis, que quand on nous rappelle nos gestes d’une époque passée, il nous semble que l’on nous parle d’un autre homme que de nous : et puis, avoir varié, c’est avoir fait comme tout le monde.”
Chateaubriand, “Mémoires d’outre-tombe”, 1837
Changement ?
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