Avez-vous regardé Serge Papagallo dans mon récent billet et l’accent de Grenoble ? Si oui, vous avez entendu son expression très très grenobloise (au moins à une époque, celle de ma jeunesse) : “Toute honte bue“. C’est une expression française connue mais vieillie (avec des variantes) : boire toute honte, avoir toute honte bue,  mettre bas toute honte, c’est-à-dire être insensible à l’opprobre, au déshonneur. Mais pour être sensible au déshonneur encore faut-il avoir un quelconque honneur ?

L’honneur est oublié comme la franchise, le courage, le bon sens, l’équité, la bonté.

La honte, plus personne ne semble la connaître (les personnes en vue, surtout). La honte c’est ce sentiment de rejet entraîné par une action transgressant une norme éthique ou les convenances d’une société, par une action jugée avilissante par rapport à la norme de cette société. Abuser d’un enfant ou d’un adolescent ne cause plus la honte des Duhamel, Polanski et autres prédateurs dont des religieux ; pourtant c’est amoral et immoral.

Je crois qu’il n’y a pas de honte à reconnaître ses torts, à condition de s’engager à ne jamais recommencer (je suis pour les méthodes radicales dans certaines circonstances mais je risque d’être traitée de réac et même de nazie).

Je sais aussi ce qu’est la honte, pas celle des mauvaises actions commises mais celle que l’on ressent, ce sentiment de pénible humiliation qu’on éprouve en prenant conscience de son infériorité (“fille d’ouvrier” avait dit une directrice d’école en me regardant et en déclarant qu’il n’était pas nécessaire de me faire sauter une classe vu que je ne passerai jamais mon bac). J’avais huit ans, c’était il y a près de soixante ans mais je n’ai jamais oublié son regard plein de mépris (à cette s…), ni mes larmes ravalées que j’ai laissé couler devant ma grand-mère en lui demandant “c’est quoi, un ouvrier ?” persuadée que ce devait être extrêmement dégradant. Oui la honte, je sais ce que c’est, parce qu’on a les cheveux trop bruns pour la région, pas de papa (le mien était mort avant ma naissance mais les commères et leurs parlottes avaient tôt fait de me traiter de bâtarde), un nom inadapté, trop connoté chinois, arabe ou africain pour le pays, la peau trop colorée, le poids un peu trop élevé, la hauteur trop réduite ou a contrario trop grande, je n’ai pas cumulé tous ces handicaps mais quelques-uns qui m’ont fait comprendre ce que c’est difficile d’être soi, simplement, quand on est différent de l’ordre en vigueur à un instant donné.

Il y a quelques années, je m’emportais quand je n’étais pas d’accord avec quelqu’un sur un sujet, je pourrais rougir de ces emballements mais jamais de leur cause : défense de droits ou d’idées généreuses même si elles étaient trop idéalistes quelquefois. Aujourd’hui, compte tenu de mon âge, je suis plus sereine, il n’empêche que je suis toujours aussi révoltée par l’indécence et l’immoralité. Que penser de Madame Macron, femme du président en exercice, qui vient mendier quelques pièces jaunes à la télévision  ? Et ceci après avoir dépensé 600 000 euros en 2020 pour des fleurs alors qu’il n’y a eu aucune réception, combien pour la vaisselle, la moquette, les meubles, la coiffeuse, la maquilleuse, les vêtements, les voyages, la piscine de Fort-de-Brégançon et tout ce qu’on n’imagine pas ? Vous pouvez retrouver les factures si le cœur vous en dit.

Alors pour terminer, une chanson de 1974, notre jeunesse à Brigitte et à moi (nées la même année), aux paroles sans grand intérêt sauf le titre : Shame on you (honte à toi !)

J’ai dit ce que j’avais à dire. J’ai pu dire. Pourvou qué ça doure !

Et pour finir , une petite phrase à méditer :

S’ils prétendent nous faire fléchir en nous frappant, ils se trompent. Honte aux timides qui ont peur ! Honte surtout aux lâches qui exploitent nos misères L’Avenir de la science, Ernest Renan