Salvo et Barolo

Je vous ai promis de vous parler du palais Salvo (Palacio Salvo), édifice emblématique de la ville de Montevideo, qui s’élève sur le côté est de la place de l’Indépendance, à l’angle de l’avenue du 18 juillet (1830, date de la première constitution de l’Uruguay).

Avec ses 95 mètres de hauteur, il est le deuxième bâtiment le plus élevé d’Amérique du Sud et le demeure jusqu’en 1935 quand apparaît l’immeuble Kavanagh de Buenos Aires. Le voilà !

De style éclectique très critiqué par les architectes de son époque, il est le témoin des années de prospérité de la ville durant les premières décennies du XXe siècle. Il est facilement accessible en transport public et est également desservi par le circuit de bus touristique à arrêts multiples.

L’immeuble est en béton armé, de style Art déco combiné aux influences gothique, Renaissance, néo-classique et même indienne. Il compte 27 étages et avait été construit pour servir d’hôtel, il abrite aujourd’hui des bureaux et des appartements.

Une visite guidée du palais permet d’en apprendre davantage sur l’histoire et les légendes qui l’entourent, de découvrir de magnifiques fresques murales, des vitraux et des sculptures marines, ainsi qu’une somptueuse salle de bal (Salón de Fiestas), située au premier étage (personnellement, je n’ai pas visité). Le septième étage est, paraît-il, habité par un revenant. La terrasse d’observation située au tout dernier étage offre une vue panoramique sur le centre-ville de Montevideo ainsi que sur toute la côte.

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Quelques précisions :
  • Il y avait au début du siècle dernier, sur la place, une vieille confiserie-café : La Giralda qui fut détruite pour que le Palais puisse pousser. C’est là, dans ce café, que Gerardo Matos Rodríguez présenta en 1917 le tango le plus connu du monde : “La Cumparsita“, qui sera  repris par Carlos Gardel.

Je vous propose d’écouter cet air en regardant des vues de Montevideo au début du XX° siècle quand le Palacio n’existait pas.

  • Les trois frères Salvo, italiens, supposés franc-maçons : Angel, José et Lorenzo achetèrent en 1921 le terrain où se trouvait “La Giralda” pour y élever l’immeuble de 27 étages, construire deux sous-sols et 370 appartements. Deux de ces italiens moururent rapidement : José fut assassiné en 1933 par son chauffeur (un sicaire aux ordres de son beau-frère, lui-même ami intime de Carlos Gardel), chauffeur qui l’élimina en l’écrasant un soir où il allait au cinéma. José est sans doute le fantôme qui hante l’immeuble ; c’est, dit-on, un homme grand, élégant, courtois, qui porte toujours un parapluie et protège les habitants du Palacio Salvo, vient à leur secours et aurait même fait fuir un voleur.

MAIS il faut savoir que le Palavio Selvo est le petit frère du Palacio Barolo de Buenos Aires, détail qui échappe aux guides argentins ou uruguayens et que l’on découvre quand la curiosité pousse à en savoir plus.

Le Palacio Barolo de Buenos-Aires est situé sur l’Avenida de Mayo (les Champs-Elysées argentins) entre la Casa Rosada (palais présidentiel de la Place de Mai) et le Parlement. Il a été construit entre 1919 et 1923 et sert aujourd’hui, lui aussi, de bureaux. C’était à l’époque le bâtiment le plus haut d’Amérique du Sud avec ses 100 mètres et ses 22 étages. En 1997, il fut déclaré Monument Historique National.Résultat de recherche d'images pour "palacio Barolo"

J’ai très envie de vous en dire plus : le Palacio Barolo doit son nom à Luis Barolo, riche homme d’affaire italien débarqué dans la capitale argentine à la fin du XIXe siècle, comme beaucoup de ses compatriotes. Il fit fortune dans le textile et décida de faire appel à un architecte italien, Mario Palanti, pour édifier un palais à son nom entre la Casa Rosada (demeure des Présidents) et le Congrès sur les Champs-Élysées de la capitale argentine, l’avenue de Mai.

La construction fut démesurée pour l’époque : plus de 600 000 tonnes de béton armé (une innovation alors) furent utilisées, et le marbre fut directement apporté d’Italie. Sa superficie est de 16 630 m2. Il fallut obtenir une autorisation spéciale car la hauteur prévue du bâtiment était quatre fois supérieure à la hauteur maximale autorisée.

Le Palacio Barolo est un “chef d’oeuvre”, c’est une construction énorme pour l’époque, et par ailleurs dantesque dans ses références à la Divine Comédie. Barolo et Palanti étaient totalement fascinés par l’œuvre du poète italien du XIIIe siècle Dante Aliegheri, en particulier de son chef d’œuvre « La Divine Comédie », l’une des plus grandes créations littéraires de tous les temps. Elle raconte le passage de Dante dans les différents cercles de l’enfer, du purgatoire puis du paradis.

Tout le palais à cette œuvre immortelle. Voilà ce qu’il faut relever :

  • Tout d’abord, pour s’octroyer l’adresse entre le 1300 et le 1400 (les années de création du poème) de l’avenue de Mai, Barolo acheta tous les bâtiments présents pour les raser.
  • Ensuite, les 100 mètres du palais correspondent aux 100 chants de l’œuvre, ses 22 étages au nombre de strophes.
  • Le palais comprend 3 parties : l’enfer au rez-de-chaussée, le purgatoire du premier jusqu’au quatorzième étage, puis le Paradis dans les huit derniers étages.
  • Le phare qui couronne le tout est considéré quant à lui comme l’Empyrée, la plus haute hiérarchie du paradis .
  • Ainsi, le visiteur fait symboliquement le même chemin que Dante dans la Divine Comédie, en passant les différentes étapes de l’enfer puis du purgatoire, avant de se rapprocher de Dieu…
  • On retrouve partout dans le palais des sculptures d’animaux, ainsi que des citations latines, toujours en référence à la Divine Comédie.
  • Le marbre vert, rouge et blanc évoque l’Italie, bien sûr, tandis que les proportions de l’immeuble en appellent au nombre Pi ou au nombre d’Or, tous deux symboles de perfection.
  • Le palais est aligné sur la Croix du Sud, l’équivalent dans l’hémisphère sud de la Grande Ourse, Dante l’évoquant comme l’entrée du Paradis.

Notez aussi qu’une réplique du “Penseur”, la célèbre statue de Rodin, est installée non loin  sur la place de Mai (Rodin, le sculpteur s’est en effet inspiré de Dante contemplant l’enfer pour son œuvre.)

L’idée du mécène et de l’architecte était de faire du Palacio Barolo un mausolée pour Dante et d’y accueillir ses restes, alors en Italie. L’objectif était double : tout d’abord faire briller l’Italie dans Buenos Aires en plein âge d’or, ensuite, rapatrier les restes du Poète dans l’hémisphère Sud, la partie du monde où se trouve le Paradis dans la Divine Comédie.

Pour accueillir les restes de Dante, Palanti sculpta lui-même, en Italie, une statue de bronze, qui se perdit sur le chemin. Retrouvée il y a quelques années sur la côte argentine, on peut aujourd’hui voir la copie de celle-ci dans le hall du palais.

Au sommet du Palais Barolo un phare fut érigé pour envoyer des signaux au Palacio Salvo, en Uruguay, palais construit par le même architecte. Les deux phares se faisant face marquaient l’embouchure du Rio de la Plata et de l’entrée du Paradis.

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3 réflexions sur « Salvo et Barolo »

  1. Bonne idée de lire ton article avec la musique, mais je ne peux pas la mettre trop fort mais mon chéri dort (Hé oui, c’est lui, le chéridor ! Pfff)
    T’inquiète pas, j’ai le cerveau qui part en couilles et j’ai du mal à me concentrer, mais j’ai quand même lu tout ton article très intéressant, bien que je ne sois pas certaine que je m’en souviendrais …
    Je te souhaite un bon dimanche … au soleil !
    Bisoux nuageux (dans ma tête)

  2. en te lisant, je me dis comme souvent, que la petite histoire vaut largement la grande, d’ ailleurs la revue ” Historia ” se vend toujours.
    j’ ai compris à la fin pourquoi tu parlais de ces deux palais, puisqu’ ils ont un point commun avec l’ Italie, et qu’ un phare fait le trait d’ union !
    Si j’ étais président, je te ferai ministre de l’ enseignement !
    Les constructions en béton armé peuvent être beaux, on a là deux superbes exemples !
    Un article passionnant, comme une aventure !
    Passe un bon dimanche Françoise
    Bisous

  3. Ces palais ne ressemblent pas aux palais européens, ils ont quelque chose de certains immeubles new-yorkais avec ces enfilades de bow-windows donnant sans doute une vue superbe sur les avenues.
    J’aimerais visiter le premier, juste pour avoir une chance d’apercevoir le fantôme !
    Quant à la cumparsita, je crois entendre ma grand-mère la jouer sur son piano désaccordé. Emotion…
    belle journée, Françoise.

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