Quand on est à Buenos Aires, on ne peut manquer la place de Mai (Plaza de Mayo), la place centrale de la ville. C’est un lieu historique chargé d’émotions. Je me souviens de la fin des années 1970 quand, en France, on apprenait avec horreur ce que le Général Videla faisait endurer à la population argentine et comment des mères (grand-mères aujourd’hui) manifestaient leur douleur et leur besoin de connaître la vérité en tournant en rond sur cette place. Je ne pouvais donc pas rater ce passage obligé.
La Place de Mai est en fait la réunion de deux places toutes proches ; la Place de la Victoire et la Place du Fort) après la démolition en 1884 d’un bâtiment qui les séparait. Elle est rectangulaire et mesure approximativement deux hectares (longueur est-ouest de 200 mètres et largeur nord-sud de 100 mètres.) Sur cette place débouchent trois importantes avenues : Presidente Julio Argentino Roca (ou Diagonal Sur), Presidente Roque Sáenz Peña (ou Diagonal Norte) et Avenida de Mayo.
Dans ses environs se trouvent les principaux monuments et centres d’intérêt et de décision de la ville : le Cabildo historique (ancienne municipalité), la Casa Rosada (où réside le pouvoir exécutif de la nation : le Président de la République), la Cathédrale métropolitaine, l’édifice du Gouvernement de la ville de Buenos Aires et le siège central de la Banco de la Nación Argentina (Banque nationale du pays).
Sur la place arrive le métro (en espagnol, subte) à la station “Plaza de Mayo”.
On peut y voir plusieurs monuments :
- la statue équestre du général Manuel Belgrano créateur du drapeau de l’Argentine,
- la Pyramide de Mai commémorant la révolution du 25 mai 1810, en réalité un obélisque ; c’est le premier monument patriotique dont se dota la capitale argentine. Actuellement en réparation. Une statue de la Liberté, œuvre du sculpteur français Joseph Dubourdieu, couronne le monument et servit de modèle à la représentation allégorique de la république argentine. Telle quelle, la Pyramide mesure, depuis le sol jusqu’au bonnet phrygien coiffant ladite statue, 18,76 mètres). Ci-dessous, une photo de la pyramide extraite du site Turismobuenosaires.com
On y trouve aussi de nombreux graffitis, des inscriptions rappelant les assassinats commis par la dictature militaire, le contour des victimes, le châle blanc des mères (à l’origine : les langes en tissu de leurs bébés) manifestant sur la place de Mai, emblèmes peints sur le sol, des mots de colère des femmes ou des anciens soldats de la guerre des Malouines, des cris du peuple en général.
Photo un peu ratée, trop grise mais qui montre les banderoles des anciens des Malouines et les foulards blancs des mères sur un disque peint au sol, une sorte de cadran, à l’intérieur duquel elles marchaient.
Parmi les plus importants édifices situés autour de la place :
- la Cathédrale métropolitaine là même où en 1593 Juan de Garay installa l’Iglesia Mayor (Grande église). Depuis lors, elle a subi plusieurs modifications, dont la dernière importante : sa grande façade, qui fut réalisée entre 1860 et 1863 par le même Français Dubourdieu. Elle présente douze colonnes qui symbolisent les douze apôtres ainsi qu’un bas-relief représentant la rencontre de Jacob avec son fils Joseph en Égypte. Bien que sa façade soit de style néoclassique, l’intérieur a l’aspect d’une église coloniale espagnole. Dans un impressionnant mausolée de marbre, la cathédrale héberge la sépulture du général José de San Martín, libérateur de l’Argentine, du Chili et du Pérou.
- le Cabildo (ancienne municipalité) est le siège du Musée Historique National du Cabildo. Il fut reconstruit avec l’aspect du vieux Cabildo colonial mais avec seulement cinq des onze arches d’origine (deux fois moins long).
- le Palais du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires, une construction datant de 1891 à 1902.
- l’Ancien Congrès National où se tenaient ses sessions entre 1864 et 1905. On n’a conservé que la salle des sessions et l’entrée de l’édifice. C’est actuellement l’Académie Nationale d’Histoire.
- la Banque de la Nation Argentine où, entre 1857 et 1888, fonctionna à cet endroit-même le premier Teatro Colón. L’imposant édifice actuel fut construit entre1940 et 1955.
- la Casa Rosada, siège de la Présidence de la Nation, qui fut progressivement construite à l’emplacement du fort Juan Baltasar d’Autriche.
On trouve aussi l’immeuble proche de la cathédrale dans lequel le pape François vivait quand il n’était encore qu’évêque de la ville. (La proximité de Noël quand je suis arrivée là-bas fait qu’une crèche était encore installée dans la cour de l’immeuble).
Malgré ses bâtiments imposants et chargés d’Histoire, la Place de Mai restera toujours pour moi la place des mères, ces folles éplorées puisque c’est bien de “Folles” qu’elles ont été traitées. Elles ont marché longtemps, tous les jeudis après-midis, tournant sur la place pendant une demi-heure, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, remontant ainsi symboliquement le temps et critiquant l’impunité des militaires responsables des massacres et des tortures.
À la tête de ce mouvement, depuis 1979, Hebe de Bonafini, qui continue à se faire entendre même si le mouvement de base a changé, elle qui continue à manifester sa colère et à résister contre la “Justice” de son pays qui la poursuit pour une affaire de détournement de fonds publics. Un ordre d’arrestation, pour « rébellion » a même été lancé contre elle (qui est interdite de sortie du territoire).
“Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage”. Alors… Un juge a ordonné jeudi 4 août 2016 au soir la détention d’Hebe de Bonafini, symbole de la résistance pendant les années de dictature militaire argentine, pour une affaire de détournement de fonds publics. L’ordre d’arrestation a été lancé parce qu’elle a refusé de se présenter pour la seconde fois à une convocation de la justice. Le juge Marcelo Martínez de Giorgi a décidé de lui « apprendre à respecter la justice ». On peut sourire.
Certes, il y a eu, des problèmes avec le programme de logements sociaux des Mères de la place de Mai, Sueños Compartidos, interrompu en 2011 à la suite d’accusations de corruption, qui comprenait également le financement d’écoles et de centres de santé dans les quartiers pauvres. Ce programme lancé par l’association pendant les présidences de Nestor et Cristina Kirchner (2003-2015) bénéficiait du soutien financier de l’Etat. Une manne de 53 millions de dollars US. Croyez-vous vraiment qu’Hebe de Bonafini a été capable de détourner ces fonds (en avait-ele les capacités et l’envie), elle qui a refusé les indemnités proposées par l’État en disant : « Nous ne vendrons jamais le sang de nos enfants. Il n’y a pas d’argent qui puisse payer la vie de ceux qui l’ont donnée pour le peuple. Les réparations économiques nous répugnent, nous voulons la justice. Nous voulons la prison pour les assassins, qu’ils soient incarcérés. (…) Nous ne voulons pas non plus de monuments, tout est sur la mort, monument aux morts, réparation pour les morts, exhumation des morts, musée des morts. Nous les Mères avons lutté toute la vie pour la vie…” Certes, on sait aussi que le mensonge est possible, facile.
Quoi qu’il en soit, j’admire cette dame qui se révolte toujours à quatre-vingt-huit ans après avoir perdu ses deux fils, sa belle-fille en moins d’un an et demi en 1977 et 1978, puis son mari en 1982. Elle continue de crier sa colère et viens de dire au Président Macri : “Te vas a caer solo, hijo de puta ».(Tu vas tomber tout seul, fils de pute.)
Elle accuse aussi ouvertement le gouvernement de son pays, un pays où il est difficile de vivre confortablement quand on est un travailleur de base : “no son hombres para gobernar un pueblo, ellos son empresarios para explotar a los trabajadores ». “Es el plan que tiene, que la gente vuelva a ser esclava, que vuelva a trabajar por nada”. (Traduction ; “ce ne sont pas des hommes pour gouverner un peuple, ce sont des entrepreneurs pour exploiter les travailleurs.” “Son plan, c’est que les gens deviennent esclaves et qu’ils aillent travailler pour rien”).
Je pense que c’est – malheureusement – un objectif mondial de nos dirigeants à travers le monde. Que faut-il faire ? Se souvenir des mots de Marx.“Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !”
Mais comment ? Est-on libre de nos mouvements ? Comment briser nos chaines ?
“Le domaine de la liberté commence là où s’arrête le travail déterminé par la nécessité.”
Merci pour ce super reportage et … essayons de briser les chaînes … à notre façon.
Bon mercredi …… pas trop en forme …
Bisoux, bisoux
je constate que toute entité de pouvoir est un danger, que ce soit l’ armée, un gouvernement ou la justice.
Tout dépend donc de celui qui détient l’ un de ces pouvoirs.On comprend la détresse et la colère de ces mères dont on a assassiné les enfants.
Je constate aussi que quelque soit le type de gouvernement, la base populaire est toujours spoliée et exploitée, du communisme au capitalisme.
Pour changer de sujet, il y a de biens beaux monuments à visiter !