Le paon

Lo pan i rouvèr son ké, sé pou mié kasiète son pié“. Un proverbe créole de l’île de La Réunion. La traduction mot-à-mot en français donne : le paon ouvre sa queue, c’est pour mieux cacher ses pattes.  C’est dire que le paon qui fait la roue cache ainsi ses pattes. Et oui, la beauté sert parfois à cacher les imperfections ; on comprend mieux la réussite des cosmétiques, cache-misères des boutons, cernes, etc… Encore de l’hypocrisie, du mensonge, du camouflage.

Le camouflage désigne un moyen destiné à donner une apparence trompeuse à un objet ou à un être vivant. Que camoufle le paon ? Quelles tares ? Fier pour parader mais incapable de se défendre ?

Originaire d’Extrême‑Orient, les paons sont apparentés aux faisans. Le paon ordinaire que nous connaissons est le paon bleu de l’Inde et de Ceylan. Do­mestiqué depuis la nuit des temps, en Grèce, il fut considéré comme un animal sacré, attribut de la déesse Junon. Plus tard, il s’est répandu dans le reste de l’Europe et dans le monde entier pour devenir la parure des jardins publics et zoo­logiques.

Les paonneaux viennent au monde cou­verts d’un duvet brun‑beige mais, quelques heures après leur éclosion, les mâles font déjà la roue et déploient un éventail minus­cule auquel il faudra deux ans pour attein­dre son plein développement. A ce moment, les rectrices et les couvertures de la queue forment une splendide traîne de 1,40 m à 1,80 m de longueur.

Toute sa vie, qui peut durer quinze ans, l’oiseau arborera ces plumes qui tombent à la fin de l’été et repoussent dès le mois de décembre. Elles sont vert bronze, avec un reflet cuivré vers les extrémités. Chacune est dotée d’une tache bleue ou ocelle, en forme de coeur, bordée de bleu‑vert, de bronze doré, d’or et de brun chaud.

D’après la mythologie romaine, c’est Ju­non qui avait semé sur la queue du paon les yeux d’Argus, ce redoutable prince argien aux cent yeux que Mercure était parvenu à tuer.

A la saison des amours, le mâle tourne autour de la femel­le en faisant la roue, la poitrine gonflée. Il donne l’impression d’être conscient de sa beauté et de vouloir se faire admirer. L’ex­pression “fier comme un paon” n’est pas usurpée. Le paon est d’ailleurs polygame. Il se pavane parfois, dans toute la splendeur de sa roue étincelante, devant un harem de trois à six femelles, qui picorent avec indif­férence et daignent à peine relever la tête pour regarder ce déploiement de beauté destiné pourtant à les éblouir.

Beaucoup de légendes se sont formées autour de la beauté et de l’étrangeté du paon, celle de l’incorruptibilité de sa chair, en par­ticulier qui l’a fait considérer au début de l’ère chrétienne comme le symbole de la résurrection. En Inde, on le respecte enco­re aujourd’hui comme un animal sacré et on le nourrit dans les temples. Si l’on trouve son image représentée dans l’art tant persan et hin­dou, on la voit aussi sur les tombeaux chrétiens où elle représente la splendeur de la résurrection.

Mais revenons au début, le paon fait la roue peut-être pour cacher ses pattes mais surtout pour séduire la femelle. Ce mâle ne cherche même pas à faire peur aux adversaires ! Il fait le beau pour la femelle qui cherche le mâle le plus fort pour se reproduire, sauf que la queue du paon ne sert à rien d’autre que “faire joli” ; elle est même un handicap physiologique : le surpoids de cette queue et son encombrement ralentissent l’oiseau dans sa course et dans son vol. Il est donc plus vulnérable que les autres volatiles. Les femelles seraient-elles très intelligentes, préférant précisément ces mâles “à la queue imposante” ? En effet ceux qui survivent à à leur handicap doivent disposer de gènes supérieurs à ceux des mâles “normaux”.

Peut-on faire un parallèle avec notre espèce ? Le dragueur, qui roule en Ferrari ou en Lamborghini ou Aston-Martin dans Paris ou dans n’importe quelle ville peut faire sourire. À quoi bon sortir un  véhicule puissant là où il est interdit de dépasser 50 km/h voire 30 ? C’est effectivement absurde. Sauf que… quand on affiche aux yeux de tous (et de toutes) que l’on peut s’offrir le superflu, c’est qu’on possède en principe déjà largement le nécessaire. De quoi faire vivre largement une famille.

Mais fonder une famille est-ce l’objectif de ce genre de messieurs ? Les filles rêvent pourtant toujours et encore de princes qui épousent des bergères.

 

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2 réflexions sur « Le paon »

  1. en te lisant, je pensais au dindon, dont la provenance est elle aussi exotique, qui pour séduire sait lui aussi faire la roue, mais est capable de se défendre.
    Hélas pour lui, son élevage finit sur nos tables !
    Ces gandins qui se pavanent dans de grosses berlines, ou de somptueux voiliers, font surtout le bonheur de ceux qui leur vendent ces joujoux !
    Passe une bonne journée Françoise
    Bisous

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