Il y a quelques jours, je parlais d’identité à propos de nos petits beurs qui ne savent pas s’ils sont Français ou arabes, je parlais de confusion entre deux “identités” : nationalité ou origine ethnique. D’autres ont un problème pire : les juifs arabes. Si j’ai bien compris être à la fois juif et arabe est une identité possible, c’est être séfarade. Peut-on en rire ? Un peu… surtout quand on pense aux films «La Vérité si je mens» version 1, 2 ou 3.
Cette communauté séfarade, très ancienne, a presque disparu aujourd’hui : elle s’est intégrée (presque).
La culture judéo-nord-africaine en France, celle des «Juifs arabes» nous a amusés et a fait face à la culture juive européenne des «ashkénazes», créateurs du yiddish et victimes de la Shoah, des juifs plus stricts et pas rigolos sauf Popeck et Rabbi Jacob.
Les Séfarades, les Juifs de culture arabe, un petit million de gens en 1948, ont vécu dans le monde arabe jusqu’à la moitié du vingtième siècle. Débarqués en masse en Europe dans les années 60, les Juifs du monde arabe ne sont plus aujourd’hui que quelques centaines. Qu’ils aient été chassés ou qu’ils soient partis de leur « plein gré », ils ont généralement vécu cette expérience de façon traumatisante : les rapatriés d’Algérie, ça nous parle. Vous souvenez-vous du “Coup de sirocco”, le film des débuts de Patrick Bruel dont le vrai nom d’origine est Maurice Benguigui.
Dans la majeure partie des cas, cet exode vers l’Europe a été précédé de discriminations, limogeages, pillages, pogroms (celui de Constantine en 1934, du Farhoud à Bagdad en 1941, etc). Une spirale de violences déclenchée par un nationalisme arabe, puis musulman des plus exacerbés excluant les Juifs de la communauté nationale quelle que soit leur sensibilité politique : anticolonialiste ou antisioniste.
Je ne suis pas juive mais si j’ai bien compris, je peux résumer ainsi : les Ashkénazes étaient sérieux, habillés en noir, un peu coincés, des vraies victimes ; les séfarades étaient bien plus rigolos, hauts en couleurs, “grandes gueules” sans doute parce qu’ils vivaient au soleil et qu’ils n’ont pas subi de plein fouet les horreurs du nazisme mais a contrario, c’est sans doute leur joie de vivre qui a causé leur « extinction » en quelques décennies. Patrick Bruel a demandé à changer de nom. Reniement ?
Leur volonté d’être intégrés les fait disparaître. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Au moins, comme ça, c’est la paix. Juifs et Arabes au Maghreb n’étaient pas ennemis. Le fait même d’opposer ces deux identités a longtemps été étranger au monde arabe. Certains chefs arabes moins tolérants pouvaient leur imposer le port de vêtements distinctifs, leur interdire de posséder un animal ou de se déplacer avec, ordonnant même quelquefois des massacres et des pogroms pourtant la judéophobie, dans sa forme la plus extrême, ne vient pas des pays arabes. En effet, alors que les juifs de l’Europe chrétienne, désignés comme les «assassins du Christ» étaient brinquebalés d’un bout à l’autre du continent européen, souvenez-vous des Marranes en Espagne (cristãos novos, nouveaux chrétiens) et du mythe du juif errant. Au Maghreb, une entente précaire, mais propice à l’expansion d’une culture judéo-arabe originale, basée sur la mixité des rites culturels, culinaires a été possible ; c’était le temps de l’Islam tolérant.
L’événement qui a sonné le glas de cette civilisation est le colonialisme européen qui a utilisé la technique la plus efficace du “diviser pour mieux régner”. Le décret Crémieux imposa en 1870 la nationalité française aux Juifs d’Algérie, partiellement en Tunisie et au Maroc, où les mouvements de résistance à l’occidentalisation furent nombreux. La francisation commença au Maghreb, où les Juifs quittèrent peu à peu leurs vieilles villes juives marocaines ou tunisiennes pour s’installer dans les centres villes européanisés. Alphabétisation, adoption des codes vestimentaires occidentaux, en quelques décennies, les Juifs sont devenus des étrangers dans leur propre pays, des traîtres qui profitaient du colonialisme alors que la majorité arabe en pâtissait (problème du faciès). L’inéluctable divorce entre les deux communautés s’effectuera dès l’indépendance des pays du Maghreb. En Égypte, Syrie et Liban, l’exode aura lieu plus tôt encore car dès la création d’Israël en 1948, symbole de défaite pour ses pays frontaliers, tous les Juifs seront contraints de partir. Au final, ils auront été dépossédés de leurs racines par le même processus que celui qui a spolié les Palestiniens.
Les Juifs arabes ont dû, en Israël, se façonner une image, celle du sioniste pur et dur, hostile aux Palestiniens dont il faut se distinguer. En France, combien de Juifs accordent-ils un soutien aveugle, inconditionnel, à l’État hébreu et à sa politique ultra répressive ? Pas facile d’être déchiré entre deux mondes.
Mais qui donc divise les Hommes pour régner ? Le mal, le Diable, diront certains. Moi, je me dis simplement “pourquoi les Hommes sont-ils si cons ?” Il suffirait d’être tolérant.
j’ ai cru comprendre qu’ au départ il y avait les sémites, et que ce n’ est que plus tard que les tribus se sont séparées en juifs et en arabes !
Quand à l’ islam, c’ est relativement récent, et une religion imposée par la force !
Bonjour, merci pour votre texte.
Je viens de découvrir que je suis séfarade, comme Patrick Bruel et Enrico Macias donc ?
En fait, cela signifie “juifs espagnols” : les Marranes qui étaient inscrit sur la liste du Santo Oficio de la Inquisición et qui ont fui en Afrique du nord (entre autres).
Je viens de recevoir la Nationalité espagnole pour cela et c’est très touchant.
Une généalogie qui remonte avant 1400 et pourtant, ils étaient pécheurs, jardiniers; merci les diocèses ! En Andalousie, nous étions tous ensemble : arabes, espagnols, juifs… Tolède a été appelée capitale des trois cultures : Ciudad de la Tolerancia o la Ciudad de las Tres Culturas, con la convivencia de judíos, musulmanes y cristianos. J’ai compris que beaucoup de croyances erronées façonnent l’histoire qu’on tente de nous raconter… Maintenant, je préfère m’en tenir aux faits, c’est plus joyeux.
Bien à vous 😀