Ai-je le droit de mentir, de me taire ou dois-je toujours dire la vérité ?
Il y a deux jours je réfléchissais sur le droit ou le devoir de se taire. Ce n’est pas simple.
Dans la revue Les Temps Modernes, Jean-Paul Sartre souligne le devoir de vérité de l’écrivain qui se doit de dénoncer tout scandale qu’il connait au point que le silence est une sorte de complicité du crime : “L’écrivain est en situation dans son époque : chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Je tiens Flaubert et Goncourt pour responsables de la répression qui suivit la Commune parce qu’ils n’ont pas écrit une ligne pour l’empêcher. Ce n’était pas leur affaire dira-t-on ? Mais le procès de Calas, était-ce l’affaire de Voltaire ? La condamnation de Dreyfus, était-ce l’affaire de Zola ? L’administration du Congo, était-ce l’affaire de Gide ? Chacun de ces auteurs, en une circonstance particulière de sa vie, a mesuré sa responsabilité d’écrivain.” (Situations)
Il est de la responsabilité, du devoir de l’écrivain de dire la vérité quand il la connait. C’est encore plus vrai, plus indispensable de la part du journaliste : il doit dire la vérité, ne pas la déformer non plus.
Que penser des medias qui se déchainent sur tel ou tel sujet ? Ils sont tous si dépendants de leurs lecteurs et des politiques que bien souvent, ils ne disent que ce qu’on veut entendre ou que ce qu’on leur dit de dire. Medias pour pleurer, medias pour rêver, medias pour casser… Quand donc des medias pour dire la vraie vérité ? Chaque fois, je pense à la Pravda, tu parles d’une vérité à cette époque, dans le même temps Soljenitsyne était au Goulag.
Que sont devenus les Gide, Zola et Voltaire ? Ont-ils été bâillonnés par le pouvoir ou se sont-ils autocensurés ?
Dire est un devoir absolu de l’homme envers chacun, si grave soit le préjudice qui peut en résulter pour lui. Ne pas dire la vérité est une lâcheté et la dire une forme de courage. Adieu les petits singes de la sagesse asiatique !
Mais que faire quand vous dites la vérité et que personne ne veut l’entendre ?
Les officiels à qui vous racontez un abus sur mineur vous renvoient en disant que ce n’est pas de votre ressort. Vous n’êtes pas concernés. Ah ? Ce n’est pas votre famille, ni votre travail, même pas votre responsabilité. Vous cherchez tous les moyens de vous faire entendre, puis vous finissez par lâchement baisser les bras. Trop lourd, trop long, sans suite…
Quand c’est un secret de famille que vous découvrez, vous l’évoquez, vous voulez le révéler, on vous fait taire. Vous êtes seul, vous vous taisez. Et un jour, le secret apparaît au grand jour, comme si la vérité avait des moments pour être connue. Oui, il y a des moments plus propices. Pour quoi ? Pour qui ?
La vérité est ou elle n’est pas. Quand elle fait souffrir avec des conséquences irrémédiables, peut-être faut-il la taire mais quand elle n’est que question de confort pour quelques-uns et qu’il n’y a pas de honte, pourquoi se taire ? Pourquoi faire taire ?
Je pense à l’histoire de François Mitterrand et de Mazarine : un secret de Polichinelle mais un secret quand même. Tonton mort, Mazarine apparaît dans la lumière. Combien d’enfants cachés ? Pourquoi leur laisser ce poids ?
Pour l’image des coupables ? Et après ?
C’est vrai que dans une démocratie, tu peux te moquer des vivants, pas des morts. Et ceux qui restent, qu’en penser ? Ont-ils été complices du silence ? Pourquoi ? Est-ce glorieux ?