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Pendant la Seconde Guerre Mondiale, celui qui cachait un Juif ou un résistant n’avisait pas la Gestapo. Mal lui en aurait pris. Il le cachait. C’est tout. C’était un devoir de se taire pour celui qui (le) cachait. Combien l’ont fait ? Qu’auriez-vous fait ? C’est facile, après, de penser être un héros.
Voilà le décor du Vercors : forêts, falaises, et grottes nombreuses
Je viens de Grenoble, le maquis du Vercors n’était pas loin et les histoires de guerre, de résistants, de rafles, de collabos ont rempli ma jeunesse. Et ma grand-mère m’en parlait, elle parlait pour que je n’oublie pas.
Nous éprouvons aujourd’hui du respect pour tous ceux qui se sont tus, torturés par des nazis, en France, comme le docteur Valois à Grenoble.
Les autres, ailleurs, on en parle moins, comme si ça ne nous regardait pas , on sait qu’ il y a eu le Goulag, le régime franquiste, la place Tien An Men, la Birmanie, j’oublie Pinochet et les autres… Le prisonnier torturé qui refuse de livrer ses amis, qui se tait sous la torture, nous pensons qu’il est courageux, qu’il fait son devoir en se taisant. Personne ne lui reprochera un mensonge par omission. Parler, se taire ? Que feriez-vous si c’était vous ? Y avez-vous déjà pensé ?
Se taire, c’est parfois prendre le risque d’affronter la torture et la mort mais c’est aussi, quelquefois, se protéger lâchement et se faire complice d’un crime, d’une mauvaise action. L’Eglise tait des secrets comme on le fait dans la Mafia qui est une grande famille : l’omerta, c’est ça. Pas très catholique, non ?
Il est même de nombreuses professions où l’obligation de se taire est un devoir absolu auquel on ne saurait déroger : le secret professionnel. Deux catégories retiennent mon attention : médecin et secret médical, prêtre et secret de la confession (même si on lui avoue un crime ! ?).
Outre ce secret professionnel qui interdit de dévoiler à des tiers les aveux faits dans l’intimité du cabinet médical ou du confessionnal, se pose au médecin la question de dire ou non la vérité au patient. Le mensonge par omission à celui qui va mourir : cas de conscience du médecin, des soignants et de la famille. Faut-il dire la vérité ? Si oui, qui, quand et comment ? Infliger la torture du désespoir ? Donner un dernier coup de fouet au malade pour qu’il lutte une dernière fois ? Tout dépend des circonstances, du médecin, du malade et de sa famille. Je peux affirmer que (j’ai des témoins) des médecins m’ont annoncé ma fin prochaine, il y a bientôt quatre ans, sans aucun ménagement, comme si j’étais un morceau de viande sans cervelle. Et je suis là ! Je vous dis : rebelle. Trompe la mort ? Combien de fois encore ?
Dire la vérité à un mourant qui la réclame et qui est capable de la supporter, c’est sans aucun doute l’aider à mourir dans la lucidité et la dignité, s’il est croyant, c’est en principe un devoir de dire la vérité pour qu’il puisse se préparer à passer de vie à trépas. (Je pense à une dame qui est sur le point de nous quitter et qui a voulu savoir. Elle a toujours été courageuse d’après ce qu’on m’a dit. Je l’ai à peine croisée mais il est des rencontres qui vous marquent. Elle a voulu savoir, ses enfants savent. Ils sont tristes mais l’accompagneront sans mensonge jusqu’au bout.) C’est ce droit à la mort digne pour lequel ma grand-mère a milité.
Le Christ et Socrate ont supporté la vérité de leur fin imminente, et dans quelles douleurs , mais ils l’avaient choisie, encore que ça puisse se discuter pour Jésus : il était l’Elu. Nous ne sommes pas le Christ ou Socrate. Nous avons peur, peur de voir mourir l’autre et peur de mourir. Alors que faire ? Dire ou ne pas dire ? Là est la question ?
En dehors de la question des mourants, que faut-il dire ou taire ?
Que faire quand on sait que quelqu’un est en danger ? Il y a devoir d’assistance à la personne en danger. Alors se taire ? Le prisonnier torturé par les officiels ? Le taire ? Les enfants battus par leurs parents ? Les fillettes violées par leur père ou un étranger ? Les travailleurs exploités ? Et l’animal martyrisé par son maître ? Se taire ? Et l’assassin qui se cache ? Dans un autre registre, le voisin qui cultive du zamal (marijuana) ? Et celui qui truande la Sécurité Sociale , les ASSEDIC, le Trésor Public ? Se taire ? Et nos députés qui s’arrangent avec les indemnités ? Les ministres qui s’octroient des largesses avec les deniers publics ? Complétez la liste vous-même. Se taire ? Le taire ? Que faire ? Comment faire ? Que feriez-vous ? Qu’avez-vous fait ? Que faites-vous ?
Et qui vous entend ?
Yankelevitch a écrit ” Malheur à ceux qui mettent au-dessus de l’amour la vérité criminelle de la délation ! Malheur aux brutes qui disent toujours la vérité ! ” (Traité des vertus, la sincérité.)
Taire, ne pas dénoncer ? La délation est un mot qui horrifie. Personne ne se sent l’âme d’un délateur. Et pourtant… Il y a eu Judas qui a vendu Jésus pour combien d’écus ? Ganelon ? C’est lui qui a causé la perte de Roland à Roncevaux. Et combien d’autres ? Personne ne veut être le traître, il y en a pourtant un de temps en temps. Pourquoi ? Peur, lâcheté, vengeance, naïveté ou conviction. Ce qui nous intéresse c’est le silence, taire la vérité, ce qui est peut être mensonge, obéissance et courage. Quoi qu’il en soit, se taire par intérêt n’est jamais moral. On abuse des autres. C’est de l’égoïsme. De la peur ? Le mensonge politique est égoïsme. Celui qui refuse de dire la vérité parce qu’il a peur de perdre des voix aux élections se sert des autres, de nous, est immoral. Pourtant quelquefois, il est de notre devoir de parler.
Au fond, tout est question de cas particuliers, il nous faut distinguer le juste, l’humain et l’équitable. Il y a des cas de conscience : “Il ne faut pas toujours dire tout, car ce serait sottise ; mais ce qu’on dit, il faut qu’il soit tel qu’on le pense, autrement c’est méchanceté” d’après Montaigne. Dans les “Maximes, pensées et paradoxes” de Rivarol, on peut lire la même idée exprimée différemment « La raison se compose de vérités qu’il faut dire et de vérités qu’il faut taire ».
C’est dire que le droit de se taire n’est bien sûr pas un droit universel. Il est parfois permis de se taire quand on connaît la vérité : pour ne pas nuire. Il n’en reste pas moins vrai que les circonstances de ce droit restent exceptionnelles. Jusqu’où se taire ?
L’idéal reste une société où la vérité serait une valeur unanimement respectée (quelles que soient les conséquences ?). C’est un idéal et n’est-ce pas un ou le suprême mensonge de croire que la vérité est toujours possible ? Utopiste, je vous ai déjà dit.
Je cherche la vérité, partout, dès que je peux. Pour en faire quoi ?
Et vous que faites-vous ?
Article très intéressant , je partage ton point de vue
Ce n’est pas toujours facile de savoir quand se taire et quand parler
Dire la vérité aux malades est une bonne chose car cela leur permet de vivre le dernier temps de leur vie d’une façon authentique…mais leur asséner la vérité brutalement alors qu’ils ne sont pas prêts à l’entendre est criminel…Chaque cas est particulier..Avant de parler, il faut être à l’écoute de l’autre.
Chère Françoise,
On dit toujours que “toute vérité n’est pas bonne à dire”.
Je crois pour ma part que la vérité est à privilégier en toutes circonstances, sauf si cette vérité peut entraîner de trop graves conséquences.
J’ai travaillé dans le milieu médical et si le patient ou la famille veulent la vérité, il faut la leur dire. Par contre, il faut la dire avec des égards ce qui n’est pas toujours le cas.
Et il ne faut pas la dire au malade s’il s’avère incapable de la supporter. Tout est affaire de nuances.
En ce qui concerne le secret du confessionnal, je suis contre. Protéger un assassin qui peut recommencer à tout moment est inconcevable. L’Eglise a protégé des pédophiles en son sein, elle est elle-même criminelle d’avoir fait ça.
Quant à savoir ce que j’aurais fait pendant la guerre, il m’est arrivé de me poser la question. J’ai tendance à croire que j’aurais fait mon devoir, surtout que je suis issue d’une famille de résistants (mon père l’a été) mais je ne suis sûre de rien. Sous la torture, serais-je capable de me taire ? je ne sais vraiment pas.
J’admire tous ces “justes” qui ont fait preuve de tant d’humanité.
En tous cas, tu soulèves des questions très intéressantes.
Très bonne journée, amicalement.
une question de conscience et d’ individu !
je ne me suis pas trop posé la question, par contre j’ ai pu constaté que de dire la vérité, pouvait avoir de très fâcheuses conséquences !
Pas simple avec la complexité humaine !
Comme Trublion, je pense que c’est une question de conscience. Et surtout, avoir la volonté de NE PAS NUIRE…. Celui qui dénonçait pendant la guerre, savait que l’occupant était à l’écoute…et que les risques étaient grands ! Pour les résistants qui étaient arrêtés, ne pas parler pour ne pas donner de noms de camarades…
Dans bien des circonstances, il vaut mieux se taire, ne pas colporter de rumeurs dont les sources sont peu sûres…
Mon père me disait toujours “fais ce que te recommande ta conscience”. Ecoutons-là….
Vos deux articles sont très intéressants et passionnants….Mais la question se posera toujours: “dire ou se taire”…
Irena a été exemplaire…c’est un beau récit.
Bonsoir, j’ai lu ton très long article avant d’aller voir Belmondo !
perso, je pense ce que je dis mais j’évite de dire tout ce que je pense !
Je suis contre le secret du confessionnal, de quel droit un curé pourrrait taire un crime ? Et oui, les prêtes pédophiles étaient protégés, plus qu’écoeurant.
Dire la vérité aux malades, tout dépend des circonstances !
Que de sujets traités dans le même. Tu me disais comment je fais plusieurs articles mais, je prends dans des sites, je cherche, consulte plusieurs journaux et voit ce qui peut intéresser le plus. Je cherche des photos. Toi, tu écris tout, il me semble et cela s’entremèle (rire). mais c’est toujours intéressant et fort bien écrit.
Une bonne soirée.
Bisoyus.
nouveau mot, ça vient de sortir !!!
Bisous
ce que tu écris est tellement riche…tu devrais en faire un bouquin faut que je lise ça quand j’aurai bien dormi! je continue ma réponse à ton com:
au fait quand je viendrai, si tu n’as pas réussi et que tu veux le mettre (le module en question), je te montrerai; finalement je pense que je viendrai fin février et début mars, si ma cadre m’accorde les congés à cette période car les prix sont moins élevés et mon cousin m’a dit qu’il ne repartirait sur maurice qu’en avril>; et…les mangues, yen aura encore!!!!!
très bonne nuit!
Je suis pour la vérité…quand elle est désintéressée, pas pour régler un compte ou lorsqu’elle est nuisible.
Je pense que le juste milieu se situe entre intégrité et vérité.