C’est un piège ! Pas de photos. Juste des mots.
Des photos, il y en a plus qu’il n’en faut à la télévision, partout…
Le nombre de morts au Japon ne cesse de croître après le tsunami. Quel est ce monde où l’on additionne les morts, les millions de dollars, d’euros ? Il faut montrer, raconter, chiffrer, vite, vite… Monde de l’immédiateté. Qui se pose, regarde, réfléchit, pleure, plus de… une journée ? Nous regardons le sang, la souffrance, nous sommes au spectacle ; c’est tout ! Je ne peux plus accepter cela.
Je vous ai montré, dans mon article “le poids des mots, le choc des photos”, les images qui m’avaient marquée à jamais : il y en a quatre. Vous les avez vues.
En réfléchissant, d’autres événements m’ont bouleversée. En 1991 : la première guerre du Golfe et son côté jeu vidéo puis l’horreur absolue, en 1985, le Nevado del Ruiz, ses 27 000 morts et Omeyra Sanchez.
Qui s’en souvient ? Qui se souvient de cette gamine dont l’agonie a duré 72 heures sous la boue, devant les caméras ? Je ne comprends pas ce besoin de voir à tout prix. Je ne veux plus de ça. Des informations, oui mais plus d’horreurs comme celle-là, sur toutes les chaines, à la même heure, à la une sur tous les journaux, tous les magazines. STOP ! Je n’achèterai plus jamais un magazine avec des photos de ce genre. Je ne veux pas être un charognard !
Je vous rappelle ce qui m’a choquée : en 1985, le volcan Nevado del Ruiz, en Colombie est entré en éruption, en pleine nuit, créant dans les vallées avoisinantes des fleuves de boues et de cendres dévastateurs. La nuit de l’éruption, la grand-mère d’Omeyra tombe dans une cavité et la jeune fille tente de la sauver ; malheureusement Omeyra est emportée par la coulée et se retrouve, à son tour, plus loin, coincée, les jambes bloquées par un enchevêtrement de matériaux. Des volontaires essaient de la dégager mais n’y parviennent pas.
L’agonie d’Omeyra dura soixante heures et fut filmée par un caméraman de la télévision espagnole. Les images furent diffusées quelques heures plus tard sur les chaînes de télévision du monde entier alors que la petite fille était encore en vie.
Un photographe prit des clichés du drame, ils seront récompensés par le prix World Press Photo en 1986.
La focalisation sur la mort de la jeune fille a fait oublier l’ampleur de la catastrophe : 27 000 morts, des centaines de milliers de sans-abris et 8 000 autres enfants morts dans cette tragédie.
Reportage ou voyeurisme. Comment définir les limites ?
Il faut informer mais la pudeur, l’intimité doivent être respectées. Stop au spectaculaire !